La Presse Affaires donne la parole aux grands dirigeants du Québec. Chaque semaine, un patron répond à cinq questions posées par le chef d'entreprise interviewé la semaine précédente. Et ainsi de suite.

Philippe Duval, président et chef de la direction d'Uniprix, répond aujourd'hui aux questions de Louis Garneau, président fondateur de Louis Garneau Sports.

Croyez-vous qu'un jour, les géants américains (ex. : Walgreen's, CVS) envahiront votre marché québécois ? Quelle sera votre stratégie d'attaque si c'est le cas ?

Ça fait très longtemps que les noms des géants américains de la pharmacie circulent parmi les rumeurs pour une arrivée éventuelle au Québec. Ça ne s'est pas produit encore. Je pense que le principal frein à leur arrivée est le modèle d'affaires, parce que le droit de propriété des officines est réservé exclusivement à des pharmaciens. C'est une particularité unique en Amérique du Nord. Quand on a un esprit corporatif, ça cadre moins avec l'esprit de pharmacien-propriétaire.

Un autre élément qui incite sans doute les grandes chaînes à réfléchir deux fois plutôt qu'une avant d'entrer au Québec, c'est la récente expérience de Target, qui démontre que le marché québécois est assez complexe et assez difficile à conquérir. Si une grande chaîne ou un concurrent québécois s'installe près de l'une de nos pharmacies affiliées, on emploie la même stratégie. Les Québécois veulent compter, le jour, le soir, la semaine et les fins de semaine, sur des pharmaciens de famille, dont la pratique professionnelle est uniquement centrée vers les personnes. On est très intégrés dans les quartiers et dans les régions dans lesquelles on est, et c'est notre grande force.

Comment allez-vous articuler votre modèle d'affaire avec la vente par internet ? Est-ce que votre groupe prendra en charge la vente en ligne et gardera les fruits de la vente ?

Je suis arrivé en poste il y a un peu plus d'un an. On a élaboré un plan stratégique. C'est clair que tout ce qui est lié à la vente en ligne en fait partie. C'est une de nos priorités. Nous sommes en train d'évaluer la pertinence de cette opportunité pour les prochaines années. On va y aller étape par étape. On est un magasin de proximité, la brique et le mortier demeurent au centre de nos stratégies. Dans un premier temps, on va favoriser le web et le multicanal pour orienter le déplacement du client en pharmacie et faciliter son expérience. Ensuite, ce sera certainement l'avènement de la vente en ligne. Comme on est une coop, les fruits de la vente seraient redistribués à l'ensemble de nos actionnaires.

Pourquoi n'avez-vous jamais vendu hors Québec ? Pensez-vous le faire un jour ?

Présentement, on est aux quatre coins du Québec. On a 380 pharmacies affiliées sous quatre enseignes : Uniprix, Uniprix Santé, Uniprix Clinique et Clinique Santé. Les défis de croissance demeurent importants au Québec, mais on reste toujours ouverts à toute opportunité pertinente à nos yeux. Pour les deux prochaines années, ce n'est pas dans nos plans, à moins, comme je le disais, qu'une occasion se présente.

Avez-vous l'ambition d'être le numéro un au Québec, et si oui, comment ?

Être le numéro un en ce qui a trait au volume d'affaires, c'est une chose enviable dans tous les secteurs de l'activité économique, mais c'est loin d'être la seule mesure de réussite à nos yeux. On aspire à devenir les meilleurs de notre industrie en s'appuyant sur des pharmaciens entièrement dédiés à leur clientèle. Nous prenons en ce moment des décisions pour atteindre cet objectif et répondons entre autres à de nouveaux besoins de la clientèle, comme le concept « Danièle Henkel à emporter », offert dans 80 pharmacies, qui est réellement un franc succès.

RONA a été vendu aux Américains. Est-ce important pour votre groupe de protéger notre patrimoine industriel québécois ?

Ce qui est fondamental, c'est que nos actionnaires, tous des entrepreneurs indépendants, demeurent très disponibles pour servir leurs patients consommateurs et très engagés dans leur communauté. Je pense que la notion de protection du patrimoine n'est plus aussi « bas de laine » qu'à une certaine époque. Nous vivons dans une ère de mondialisation qui indique clairement qu'il n'y a aucune marche arrière possible. Uniprix envisage de demeurer une propriété québécoise, mais qui connaît l'avenir ?

Le parcours de Philippe Duval en bref

ÂGE: 62 ans

ÉTUDES: Philippe Duval est titulaire d'un baccalauréat en relations industrielles de l'Université de Montréal.

PRÉSIDENT DEPUIS: 2 février 2015

NOMBRE D'EMPLOYÉS: 5000

AVANT D'ÊTRE À LA TÊTE D'UNIPRIX: Il a travaillé à la Société des alcools du Québec de 2003 à 2013, où il a occupé le poste de PDG à partir de 2007. Il a aussi été vice-président aux ressources humaines et aux communications de Molson, ainsi que directeur général de la Société du 375e anniversaire de Montréal.