La Presse Affaires donne la parole aux grands dirigeants du Québec. Un patron répond à cinq questions posées par le chef d'entreprise interviewé la semaine précédente. Et ainsi de suite. Jean Leclerc, président de Laura Secord, répond aujourd'hui aux questions de Stéphan La Roche, directeur général des Musées de la civilisation à Québec.

En 2010, en quittant Biscuits Leclerc pour acquérir Laura Secord, vous êtes passé de fabricant à fabricant-détaillant, comptant plus de 120 boutiques et plus de 1000 employés. Comment avez-vous abordé ce nouveau défi ?

Il n'y a pas d'âge pour apprendre. Mes collègues et moi étions davantage spécialisés dans la production et la mise en marché dans le groupe FDM (food, drugs and mass merchandise). On a dû faire nos classes, mais on avait quand même l'aide du personnel de Laura Secord, non seulement des magasins, mais aussi du bureau de Toronto. Ç'a été un échange de bons procédés. C'est toutefois arrivé dans un contexte extrêmement difficile. À l'époque, les grands détaillants américains entraient en force au Canada, il y avait une pression énorme dans les centres d'achats sur les pieds carrés disponibles et leur prix. On a appris à la dure.

Quelle stratégie mettez-vous en place pour assurer la croissance de votre chiffre d'affaires ?

Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on a six lignes d'affaires. Nous avons une stratégie concernant chacune d'elles. On ne met pas tous nos oeufs dans le même panier. En poursuivant différents projets et clients, on considère qu'on est moins à risque.

On a une ligne d'affaires web, une ligne FDM (pharmacies, supermarchés...). On a aussi le chocolat industriel, la partie la moins connue de nos affaires, mais la plus grande. On vend notre chocolat à de grands utilisateurs. On fait également du co-packing en travaillant à forfait pour d'autres. On a évidemment le commerce au détail. Et on a une ligne d'affaires pour les produits sous licence.

Le développement des activités étant souvent tributaire de nouveaux produits ou processus, quelle place accordez-vous à l'innovation au sein de votre entreprise ?

Les premières décisions qu'on a dû prendre en achetant Laura Secord ont été pour dévirtualiser la compagnie. Laura Secord n'avait pas d'usine, de laboratoire de recherche ou de développement de la qualité, pas de systèmes de distribution ni d'entrepôts. Ça nous a pris deux ou trois ans pour développer des recettes, mais aussi un certain nombre d'équipements pour les fabriquer.

On a aussi essayé de combler certaines lacunes en répondant aux besoins des consommateurs. On offre, par exemple, plus de produits sans noix et sans arachides, et plus de chocolat 70 % cacao. Maintenant, on travaille sur de nouveaux produits, qui sortiront bientôt.

Quels sont les engagements de Laura Secord à titre d'entreprise socialement responsable ?

Nos engagements sont de trois ordres. Premièrement, autant pour être socialement responsables que pour notre portefeuille, nous prenons grand soin de nos dépenses énergétiques. On a fait beaucoup d'efforts dans les dernières années pour améliorer la gestion de nos isolations, de notre froid et de notre chaud. On a même investi de façon substantielle, avec l'aide du gouvernement du Québec, pour brûler nos écailles de cacao et en faire de l'énergie pour fabriquer notre chocolat. On est presque les seuls dans le monde à le faire. On utilise à 100 % les fèves de cacao que l'on reçoit.

Quand on reçoit nos produits, il y a toutes sortes d'emballages. On a beaucoup travaillé sur la gestion de nos déchets industriels. On fait aussi des confitures, du caramel, des fondants, etc. On a donc beaucoup de résidus et on a travaillé fort pour les valoriser, maximiser le recyclage ou leur trouver une deuxième vie.

L'achat de nos fèves de cacao est une question qui revient souvent. La provenance des fèves, les conditions de travail de ceux qui les récoltent ou le travail des enfants sont des débats internationaux. Compte tenu de notre grosseur relative dans le monde du chocolat, ce n'est pas nous qui aurons un impact majeur là-dessus. Cependant, on tient à faire notre part pour nous assurer que nos achats sont faits de la façon la plus éthique possible.

Vous êtes un homme d'affaires qui a fait un passage réussi en politique avant de revenir à l'entreprise privée. Quelles leçons avez-vous retenues de cette expérience et comment les appliquez-vous dans votre quotidien ?

Évidemment, c'était une tout autre époque. J'ai quitté la politique en 1994. Les gens étaient alors un peu moins cyniques envers la politique. Ce que j'ai retenu, c'est que l'État ne se gère pas comme une business, quoi qu'en pensent certains. La politique, c'est l'art de s'occuper du monde. Il y a un très grand nombre de rapprochements qu'on peut faire avec le milieu des affaires. En affaires, tu t'occupes de tes employés, de tes partenaires, de tes clients. J'ose espérer que mon expérience m'a permis d'être meilleur là-dedans.

LE PARCOURS DE JEAN LECLERC EN BREF

ÂGE : 57 ans

ÉTUDES : Jean Leclerc a fait des études en administration à l'Université Laval.

PRÉSIDENT DEPUIS : 2010

NOMBRE D'EMPLOYÉS : plus de 1000

AVANT D'ÊTRE PRÉSIDENT : Il a commencé sa carrière dans l'entreprise familiale, Biscuits Leclerc, où il a notamment été président-directeur général. Il a également été député libéral de Taschereau pendant neuf ans. Depuis 2010, il est aussi copropriétaire avec son frère de Nutriart.