La Presse donne la parole aux grands dirigeants du Québec. Chaque vendredi, un patron répond à cinq questions posées par le chef d'entreprise interviewé la semaine précédente. Et ainsi de suite.

Jacques Ménard, président de BMO Groupe Financier, Québec, et président du conseil de Nesbitt Burns, répond aujourd'hui aux questions de Madeleine Careau, chef de la direction à l'Orchestre symphonique de Montréal (OSM).

Q Vous êtes exceptionnellement engagé au sein de la communauté, particulièrement auprès des jeunes, de même qu'en culture et en éducation. Considérez-vous que cette implication fait partie de votre rôle de président?

R Mon implication remonte à mes premières années en affaires, lorsque j'ai terminé mes études et suis revenu à Montréal. J'ai continué à tisser ce genre d'engagements dans ma vie professionnelle et personnelle.

J'ai toujours pensé que plus on avance dans notre carrière, plus on se voit confier des ressources et de l'influence, plus on doit mettre ces avantages non seulement au service de nos employés, clients et actionnaires, mais aussi au service du bien commun. L'engagement réfère directement à la notion de citoyen. Ces contributions sont une responsabilité qui accompagne le leadership et, selon moi, font partie intégrante de nos responsabilités de hauts dirigeants.

Q Si vous aviez à décider quel a été l'impact de vos actions, serait-il d'avoir contribué à ce que la jeune génération soit mieux éduquée (et donc plus apte à prendre le relais des dirigeants de notre société) ou serait-il autre?

R On souhaite toujours voir nos engagements toucher positivement la vie de ceux qu'on espère appuyer, avoir de l'impact dans notre milieu. Je suis chanceux d'avoir eu les opportunités que l'on m'a données chez Centraide, au CHU Sainte-Justine, à la Chambre de commerce, chez Hydro-Québec, etc. Mais si j'avais à mentionner deux actions dont je suis très fier, ce serait d'avoir créé le Groupe d'action sur la persévérance et la réussite scolaire en 2008 et, plus récemment, le mouvement «Je vois Montréal». L'impact de ces deux initiatives, grâce aux centaines de personnes qui m'ont accompagné dans l'aventure, a dépassé toutes mes attentes et me rend très heureux.

Q Est-ce que, pour vous, le leadership est une science qui s'apprend ou est-ce surtout une question de personnalité?

R Avant d'être un titre, le leadership est un état d'esprit. C'est un amalgame de tête et de coeur. Ça ne nécessite pas du génie, mais beaucoup plus de la confiance en soi... et envers les autres. Le bon leader, c'est quelqu'un qui sait faire confiance, faire émerger les bonnes idées. Le leadership est avant tout un concept de service, et non de pouvoir. Félix Leclerc aimait dire: «Il y a plus de courage que de talent dans la plupart des réussites.» Il avait raison.

On peut apprendre académiquement certaines notions de leadership, mais ce n'est pas suffisant, et surtout pas une garantie de succès. Rien ne forme mieux au leadership que les expériences acquises, incluant les échecs et les déceptions que l'on est appelé à vivre.

Q Comment préparez-vous votre relève à la fois en tant que dirigeant d'une grande entreprise qu'en tant qu'intervenant important dans le développement de la communauté?

R Préparer la relève est sans doute notre plus importante responsabilité comme leaders dans nos entreprises et dans la communauté. Comment? En donnant l'exemple à ceux qui nous entourent et en vivant nos valeurs plutôt que de nous limiter à en parler. Nos actions valent beaucoup plus que nos mots aux yeux de la relève. En leur faisant aussi confiance et en leur donnant des responsabilités le plus tôt possible dans leur carrière, en leur reconnaissant un droit à l'erreur, en acceptant qu'ils fassent les choses différemment, sans abdiquer notre rôle de mentor et d'accompagnateur.

Q Vous venez d'accepter le mandat de président du conseil d'administration de Montréal International. Comment entendez-vous intervenir afin de faire de Montréal une ville attrayante pour les entreprises alors que la compétition mondiale est particulièrement féroce?

R Dans chaque métropole en Amérique du Nord, les emplois qui assurent le plus de croissance économique sont des emplois qui visent des marchés extérieurs plutôt que le marché intérieur, surtout dans les villes à faible croissance démographique. Montréal a le défi d'attirer davantage ce genre d'emplois, sans quoi notre chômage ne fléchira pas beaucoup.

Le Québec a perdu beaucoup trop de parts de marchés externes depuis les 15 dernières années, et Montréal a une lourde responsabilité. Une métropole forte est au bénéfice de tout le Québec. Nous devons attirer davantage d'investissements internationaux corporatifs et institutionnels et stimuler l'entrepreneuriat local tourné vers les marchés extérieurs, comme dans le domaine des technologies où nous avons beaucoup de jeunes entreprises qui rayonnent. C'est la principale mission de Montréal International et c'est pourquoi j'ai accepté de m'y associer et de contribuer à la relance de Montréal.

LE PARCOURS DE JACQUES MÉNARD EN BREF

> Âge: 68 ans

> Études: Jacques Ménard est diplômé de l'Université Western Ontario (1970), du Collège Loyola (1967) et du Collège Sainte-Marie (1966).

> Président depuis: 1999

> Nombre d'employés: près de 5000 au Québec

> Avant d'être à la tête de BMO Groupe Financier: il a notamment été président des conseils d'administration d'Hydro-Québec, de la Bourse de Montréal, de Trans-Canada Options Corporation et de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières.