C'est souvent l'oublié. À tort. Lors d'un départ à la retraite, la recrue et l'équipe sont traitées aux petits soins. Mais le futur retraité aussi doit être accompagné professionnellement et dans son cheminement personnel vers sa nouvelle vie. Une question de principe, mais aussi d'intérêt bien compris.

Jean-François Boulet le sait : les départs à la retraite vont s'intensifier. Industrielle Alliance Groupe financier, dont il est le vice-président principal ressources humaines et communication, enregistre cette année 60 départs, contre 35 à 40 les années précédentes. 

« L'âge moyen dans le secteur des services financiers est élevé. On sait que les départs vont encore augmenter », affirme M. Boulet. 

Alors ce sont autant des valeurs humaines qu'un certain pragmatisme qui l'incitent à entourer les employés - « quel que soit leur poste dans l'entreprise », souligne le vice-président - au moment de leur départ à la retraite. 

Outre les traditionnelles cérémonies de reconnaissance, durant une semaine, « sur les heures de travail », souligne M. Boulet, ils ont droit à des ateliers d'information tant sur les aspects administratifs et financiers de la retraite que sur le plan personnel. « L'aide psychologique, constate Jean-François Boulet, leur permet de faire une bonne transition » et de ne pas s'accrocher à leur poste faute d'un projet motivant pour la retraite. 

Mais c'est aussi « une source de recrutement, car la première année, ils se sentent en vacances, mais ensuite, souvent, ça leur plaît de revenir à temps partiel »... si tant est qu'ils aient quitté en bons termes leur ancien employeur. Si le retraité ne s'est pas senti considéré lors de son départ, il n'aura pas envie de revenir dans cette entreprise.

Or, dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, les retraités sont très recherchés. « Bien les accompagner vers leur départ permet de ne pas fermer les portes. Plus le départ est bien géré, plus les liens seront maintenus. Les personnes âgées reviennent souvent comme coachs », constate Julie Carignan, associée principale chez SPB. 

Employeur de choix 

Par conséquent, de plus en plus d'entreprises offrent cet accompagnement, mais cela reste l'apanage des plus grandes. Elles sous-traitent souvent à des firmes spécialisées comme André Fillion et associés. 

« Avec la rationalisation, les gens prennent plus souvent une retraite anticipée avec des indemnités. Comme c'est soudain, ils n'ont pas eu le temps de penser à cette période avant. On leur offre alors un service de transition à travers un programme de 10 à 15 heures de consultation sur le plan financier et personnel (loisirs, organisation du temps libre, etc.). Mais nos clients sont presque exclusivement des multinationales ou de très grandes entreprises », indique Jacques Allaire, directeur principal chez André Fillion et associés. 

L'accompagnement du retraité permet à l'entreprise de « se positionner comme employeur de choix alors qu'offrir un service de planification financière aux futurs retraités est un geste simple et peu coûteux », souligne Julie Carignan.

Il ne faut pas non plus sous-estimer l'importance des cérémonies de reconnaissance, plus traditionnelles, mais tout aussi fondamentales. « Les rituels sont importants dans la vie d'une organisation. C'est autant pour celui qui part que pour ceux qui restent et qui voient que leur entreprise traite bien ses employés », poursuit Julie Carignan. 

À la suite de l'annonce de son prochain départ à la retraite, un directeur d'Industrielle Alliance été associé à toutes les étapes vers sa succession. « Même quand son successeur a été identifié et la transition commencée, le futur retraité a conservé des mandats spéciaux. Ça lui a permis de partir progressivement et de ne pas avoir l'impression d'être poussé à la retraite », souligne Jean-François Boulet. 

Reste à déterminer le temps de transition. Pas trop court, mais pas trop long non plus, « sinon, le futur retraité ne veut plus partir et le nouveau se lasse », poursuit le vice-président. 

Réussir le départ à la retraite d'un employé, c'est donc tant un enjeu pour l'entreprise qui a besoin de main-d'oeuvre qu'une question de valeur, de respect vis-à-vis de ses plus anciens collaborateurs. L'épine dorsale des employeurs de choix conscients de leurs responsabilités sociales.