Lorsqu'un employé clé vous annonce qu'il quitte votre entreprise, vous sentez le plancher se dérober sous vos pieds. Particulièrement si vous ne lui avez pas fait signer une clause de non-concurrence et qu'il se joint à l'équipe de votre plus féroce compétiteur. Il existe plusieurs types de clauses restrictives pour protéger ses avantages concurrentiels lors du départ d'un employé à condition de les utiliser à bon escient. Marianne Plamondon, avocate en droit du travail et de l'emploi, associée chez Norton Rose Fulbright, démêle le tout.

Q À quels types d'employés est-il conseillé de faire signer une ou des clauses restrictives postérieures à l'emploi?

R Aux employés centraux avec une plus-value dans l'entreprise et à ceux qui détiennent de l'information névralgique. Bref, ceux qui vous feront mal s'ils partent! Par exemple, un vendeur responsable du tiers du carnet de commandes, un scientifique qui détient les secrets des procédés de production, un vice-président à la tête de la stratégie d'affaires.

Q Qu'est-ce que la clause de non-concurrence exactement?

R C'est la clause la plus typique, mais aussi la plus lourde de conséquences pour l'employé, affirme l'avocate, également conseillère en ressources humaines agréée (CRHA). Elle interdit à l'employé de travailler dans son domaine, sur un territoire donné et pour une période de temps déterminée. Avant d'inclure cette clause dans un contrat de travail, il faut s'assurer que ce soit justifié et on doit la limiter au nécessaire.

Q Pourquoi faut-il limiter au maximum la portée de la clause de non-concurrence?

R Pour qu'elle passe le test des tribunaux. L'employeur doit pouvoir démontrer que ce qu'il demande est vraiment nécessaire pour protéger ses intérêts légitimes. Il doit être précis dans la description du secteur d'activité et, idéalement, je conseille de définir le type de poste. Pour le temps, on parle souvent de 12 mois: cela passe généralement le test des tribunaux. Le territoire ne doit pas être excessif: on le limite à celui où l'employé exerçait ses fonctions. Si on donne un rayon, on précise le point d'où on le trace, comme 150 km autour du siège social plutôt que de dire autour de Montréal. Si le territoire est vaste, mais qu'on vise seulement deux entreprises, je conseille de les nommer. Un juge ne s'attardera pas à une clause ambiguë, il la déclarera nulle et l'employeur n'aura plus de protection. D'ailleurs, si on inclut plusieurs clauses, on les sépare par articles. Ainsi, le juge pourrait rendre nul un article seulement plutôt que la totalité du texte. Surtout, on ne fait jamais de copier-coller; c'est toujours du cas par cas.

Q Est-ce que la clause de non-sollicitation est la même que celle de ne pas faire affaire?

R Non! La clause de ne pas faire affaire est beaucoup plus restrictive puisqu'elle interdit à l'employé de faire affaire avec des clients ou des fournisseurs de l'employeur. La non-sollicitation signifie que l'employé s'engage à ne pas faire d'actions pressantes et persistantes pour débaucher un client. Il a le droit d'informer ses clients toutefois qu'il quitte l'entreprise pour aller dans telle autre et de donner ses nouvelles coordonnées. Toutefois, appliquer cette clause pose toujours la difficulté de faire la preuve. On ne peut évidemment pas mettre son ancien employé sur écoute pour prouver qu'il a convaincu un client de le suivre parce que son nouvel employeur est beaucoup plus efficace que son ancien! Par contre, il est possible que l'employé n'ait pas été très prudent et qu'il ait envoyé des courriels du genre à partir des serveurs de son ancien employeur.

Q Qu'inclut-on dans une clause de confidentialité?

R L'appropriation, la divulgation et l'utilisation des informations confidentielles acquises par les employés au cours de l'emploi. Les compétences et le savoir acquis ne sont pas visés. Cette clause est dissuasive, mais elle est rarement appliquée puisqu'encore une fois, la preuve de violation de l'engagement est un défi. Il est toutefois important de rappeler cette clause lorsqu'on reçoit la démission de l'employé.

Q Quand faut-il introduire des clauses restrictives dans un contrat de travail?

R Dès l'embauche! Pour faire signer des clauses restrictives à un employé, il faut lui offrir quelque chose en retour. Comme un emploi, ou une promotion. D'ailleurs, il faut revoir périodiquement le contenu des clauses pour s'assurer qu'elles sont toujours liées aux fonctions de l'employé. Si on n'a rien fait signer et qu'un employé clé remet sa démission, on peut essayer de conclure une entente de fin d'emploi, avec une clause de non-concurrence, mais pour avoir un pouvoir de persuasion, il faut proposer une somme intéressante. En cas de licenciement, les clauses tombent, mais on peut aussi tenter de faire signer des ententes de fin d'emploi.

Q Que faire si on souhaite embaucher un employé lié par une clause restrictive?

R On demande un avis juridique parce qu'en cas de problème, comme employeur, vous aurez à vous défendre devant le juge! Surtout, ne vous fiez pas au jugement du candidat. Idéalement, vous incluez dans son contrat qu'il s'engage par exemple à respecter la clause de non-sollicitation signée avec son ancien employeur. S'il dit ne pas être lié par une clause, inscrivez-le au contrat.