Lorsqu'on pense à des gens fortement diplômés qui occupent un emploi exigeant un niveau d'études moindre, on pense souvent à l'immigrant médecin devenu chauffeur de taxi au Québec. Au-delà du lieu commun, les Québécois étudient de plus en plus, mais le marché du travail n'évolue pas au même rythme pour leur offrir des postes à la hauteur de leurs diplômes.

Nathalie a obtenu un baccalauréat en anthropologie, puis un second en histoire de l'art en plus d'une maîtrise dans le même domaine. Elle est devenue critique d'art, puis les occasions dans le domaine se sont raréfiées. Elle s'est tournée vers un travail de rédaction en vulgarisation scientifique. Abigaëlle a pour sa part obtenu un doctorat en archéologie spécialisé en iconographie de l'Égypte ancienne. Elle aurait aimé travailler dans un musée. Il y a beaucoup d'appelés et très peu d'élus, et ils commencent généralement leur carrière dans des conditions de travail très précaires. Avec ses dettes d'études d'environ 60 000$, elle a finalement décidé de garder l'emploi de commis de bibliothèque qu'elle avait pendant ses études, qui lui offre de bonnes conditions de travail.

Les études universitaires sont plus fréquentes qu'auparavant. En 2012, 25% des personnes salariées étaient diplômées de l'université, d'après l'Institut de la Statistique du Québec (ISQ). C'était 13% en 1990.

Cette tendance semble aussi se remarquer chez les chercheurs d'emploi, si l'on se fie à une analyse de la banque de CV au Canada depuis 2000 du site d'emplois Workopolis. Les personnes titulaires de maîtrises ont augmenté de 43%. On retrouve aussi 25% plus de doctorats et 16% plus de baccalauréats.

«Nous avons plus de 7 millions de CV dans notre banque et avons remarqué aussi que les Canadiens passaient maintenant 13% plus de temps à l'école qu'en 2000», affirme Sylvie Doré, directrice des ventes et de l'expérience client pour Workopolis.

Lente évolution de l'emploi

Toutefois, le niveau de scolarité des personnes en emploi a crû plus rapidement que les compétences requises par les emplois sur le marché du travail québécois entre 1990 et 2012, toujours d'après l'ISQ. Les emplois de type professionnel sont passés de 14% à un peu moins de 20%. La croissance correspond à la moitié de celle des diplômés. Ainsi, entre 1990 à 2012, le taux de surqualification est passé de 18% à près de 31%.

Chez Workopolis, on remarque aussi que le niveau d'études n'est pas ce qui intéresse le plus les employeurs.

«Ils cherchent plus dans la banque de CV par compétences et expériences», indique Sylvie Doré.

L'analyse de la banque de données révèle également que 73% des personnes ne travaillent pas directement dans leur domaine d'études.

C'est le cas de Nathalie, mais elle est convaincue qu'elle n'arriverait pas à faire son travail sans son parcours universitaire.

«J'y ai développé une capacité d'analyse et une façon de structurer ma pensée, indique-t-elle. J'ai tellement eu à lire que ça m'a appris à écrire. Puis, l'anthropologie m'a donné des bases dans plusieurs domaines scientifiques comme la chimie et la biologie.»

Abigaëlle ne met pour sa part aucunement ses connaissances à profit au travail.

«Mais j'ai de bonnes conditions de travail et je me réalise à travers la photographie que je fais purement pour le plaisir», explique celle qui présente ses réalisations sur un blogue.

Si c'était à recommencer, toutefois, elle ferait d'autres choix.

«À 20 ans, j'étais pleine de rêves, dit-elle. L'université a besoin d'étudiants, alors on ne nous dit pas qu'on a de fortes chances de ne pas se trouver d'emploi dans son domaine et de terminer super endetté. Aujourd'hui, je ferais un diplôme d'études collégiales à la place pour me trouver un travail et des études universitaires par la suite en parallèle pour satisfaire mon désir d'apprendre.»

Des domaines sortent du lot

Les champs d'études ne sont toutefois pas tous égaux quant aux chances d'occuper un emploi qui y soit lié. Si vous avez étudié en soins infirmiers, Workopolis a évalué à partir de sa banque de CV que vous avez 97% de chances de travailler dans le domaine. En pharmacie, c'est 94%. L'informatique, l'ingénierie et les ressources humaines se démarquent aussi avec des taux de 91%, 90% et 88%.

En économie et en sociologie, en revanche, l'analyse de Workopolis montre que le premier emploi le plus fréquent est celui de représentant au service à la clientèle. En histoire et en philosophie, c'est celui d'adjoint administratif.

Par contre, ces diplômés gravissent souvent rapidement les échelons. En suivant l'évolution des postes obtenus par ces personnes, l'étude de Workopolis montre que cinq ans après avoir obtenu leur diplôme universitaire, ces gens avaient 68% plus de chances que leurs collègues moins scolarisés d'avoir obtenu des postes de gestion, peu importe l'industrie dans laquelle ils évoluaient.