Traiter le client comme un roi entraîne... une baisse de la qualité du service!

C'est la conclusion étonnante de Benoît Gaucher dans le cadre de son mémoire de maîtrise à HEC Montréal. Son étude, réalisée auprès de 502 employés du secteur du commerce de détail, montre que les consommateurs injustes peuvent avoir un impact négatif important sur les travailleurs.

Q: Qui sont les clients-rois injustes?

R: Ces personnes peuvent être agressives, crier, mentir ou insulter l'employé, par exemple. Heureusement, c'est une faible minorité. Ils agissent ainsi parce qu'ils croient qu'ils peuvent se permettre de le faire. Parfois, ce sont des fraudeurs qui exploitent les failles.

Q: Quel est l'impact de ce type de comportement?

R: L'employé traité injustement est dans un état émotionnel tel qu'il peut afficher un faux sourire, par exemple. Or, il n'est pas crédible et sa frustration se ressent. Il y a donc une baisse de qualité du service immédiate. De plus, comme ses émotions vont rester présentes un certain moment, les clients suivants vont également en pâtir.

Q: Y a-t-il des effets à plus long terme?

R: Les travailleurs seront moins satisfaits au boulot, ce qui augmente le taux de roulement. Or, si l'on a constamment de nouveaux employés, ils ne peuvent pas offrir la même qualité de service malgré leur bonne volonté. On note également une augmentation de l'absentéisme et du présentéisme, ce qui nuit également à la qualité du service.

Q: Certaines personnes sont-elles davantage affectées que d'autres par les clients injustes?

R: Oui. Plus une personne a une grande capacité à accepter une relation d'inégalité, moins elle ressentira un sentiment d'injustice pour une même situation. D'ailleurs, lors du recrutement, on devrait sonder les candidats à ce sujet. Par contre, il ne faut pas une personne trop soumise non plus. Dans ce cas, elle aura tendance à développer des problèmes psychologiques.

Q: Quelle est votre principale recommandation?

R: Il faut baisser le pouvoir du client, en limitant le nombre d'avertissements que l'on accepte de lui donner s'il est insultant, par exemple. Pour la grande majorité des consommateurs, cela n'a aucun impact. Mais ça fait une différence pour les travailleurs.

Q: Est-ce que l'employeur peut aussi contrebalancer l'effet de l'injustice en appuyant son employé?

R: Selon moi, ça aiderait. Il ressentira toujours l'injustice de la part du client, mais son patron va rétablir l'équilibre. C'est une forme de réparation, en quelque sorte. C'est d'ailleurs une des recommandations.

Q: Existe-t-il d'autres moyens pour limiter les injustices et leurs impacts négatifs?

R: Il faut éviter de prendre systématiquement le parti du client. Les entreprises devraient réfléchir à ce qu'il est en droit d'avoir ou non. Elles devraient également élargir la formation des employés pour parler des situations injustes les plus probables et expliquer la politique de l'entreprise à cet effet. Ils seront mieux outillés pour y faire face. Ils doivent connaître la limite et savoir qu'en cas d'abus, ils peuvent compter sur leur supérieur. On pourrait aussi leur accorder une pause s'ils en sentent le besoin après avoir eu affaire à un client difficile.

Q: Croyez-vous que les injustices de la clientèle peuvent avoir les mêmes effets dans d'autres milieux de travail?

R: Le modèle est très probablement le même dans d'autres domaines, comme les centres d'appels ou les hôtels. Plusieurs études ont également montré un lien entre des patients injustes et le taux d'absentéisme chez les infirmières. Je pense cependant qu'elles ont moins tendance à faire du présentéisme en raison de leur sens du devoir. Le contexte est différent.