Mme G. doit embaucher un nouvel employé. Lors de sa recherche sur les réseaux sociaux, dont Facebook, elle découvre plusieurs photos d'un candidat qui semble adepte des partys bien arrosés. L'idée d'embaucher un fêtard la refroidit un peu. Elle craint que son style de vie ait un impact sur sa performance au travail. Et pourtant...

Même si peu d'études se sont penchées sur l'efficacité de consulter Facebook pour en savoir davantage sur un candidat, environ le tiers des employeurs scrutent le profil des candidats avant ou après leur entrevue. Ils auraient peut-être tort de se fier à ce qu'ils y trouvent pour faire leur choix.

En décembre 2013, trois chercheurs américains ont demandé à des recruteurs d'évaluer des profils Facebook d'étudiants à la recherche d'un emploi. Plus tard, ils ont communiqué avec les supérieurs de ces étudiants. Conclusion: aucun lien n'existe entre le profil et la performance au travail. Pire, ils ont découvert que l'exercice pouvait mener à de la discrimination. En effet, les recruteurs avaient une opinion plus favorable envers les femmes et les candidats de race blanche!

Les risques

La consultation des profils Facebook comporte plus de pièges que d'avantages, juge Julie Carignan, psychologue et associée chez SPB psychologie organisationnelle. Ils fournissent souvent peu d'informations sur les compétences, mais beaucoup sur des sujets sans lien avec le poste. «Comme le montre la seconde étude, il y a un risque de discrimination. On pourrait obtenir des détails sur l'orientation sexuelle, l'âge et les croyances religieuses de la personne, énumère-t-elle. Cela peut biaiser très injustement le jugement du recruteur.»

Au contraire, un élément non pertinent peut également teinter positivement son jugement sur l'ensemble d'une candidature. «C'est notamment le cas avec le biais de similarité, explique Didier Dubois, stratège solutions RH numériques chez HRM Groupe. Si un individu a vécu des choses semblables à moi, j'aurai une perception plus positive parce qu'on est plus proches.» Autrement dit, un joueur de golf aura peut-être un intérêt plus grand envers un passionné de ce sport. Mais à moins de chercher un entraîneur, c'est inutile!

Éviter les pièges

L'employeur est influencé, bien malgré lui, par toute cette information inutile. Le danger serait encore plus grand en l'absence d'un recruteur formé en ressources humaines, donc sensibilisé à cette réalité. «Souvent, dans les petites organisations, les gens de la comptabilité et de la finance s'occupent des embauches, note Émilie Pelletier, consultante spécialisée en marketing RH et médias sociaux chez HRM Groupe. Ils peuvent sans doute être plus influencés.»

Si on tient malgré tout à consulter le profil Facebook d'un candidat, il vaudrait mieux attendre le plus tard possible dans le processus de sélection. Il faudrait aussi se concentrer sur ce qui a vraiment de l'importance pour l'emploi. «La moins mauvaise façon de l'utiliser serait d'avoir une grille d'évaluation en fonction de ce que l'on recherche pour le poste, croit Julie Carignan. Il faut éviter de se fier seulement à notre intuition ou à une impression générale.»

LinkedIn

Les experts consultés estiment que LinkedIn est un outil beaucoup plus pertinent que Facebook. D'ailleurs, c'est le réseau social le plus prisé par les recruteurs en général. Cette plateforme professionnelle, où les gens peuvent mettre leur CV en ligne, fournit généralement peu d'informations personnelles sans lien avec le travail.

«On a déjà vu un cas où, à compétence égale, l'employeur a retenu le candidat qui avait le plus grand réseau dans son secteur d'activité, raconte Émilie Pelletier. Ça peut devenir une plus-value pour les personnes qui l'utilisent à bon escient.»

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L'INFLUENCE DES RÉSEAUX SOCIAUX

Quelque 93% des recruteurs sont susceptibles de consulter les profils des candidats sur les réseaux sociaux. Ils avouent être influencés négativement dans une proportion de:

83%

par la consommation de drogue;

71%

par les commentaires de nature sexuelle;

65%

par les messages contenant des jurons ou des grossièretés;

61%

par les fautes d'orthographe et de grammaire;

51%

par des références aux armes;

47%

par les photos de consommation d'alcool;

28%

par les messages ouvertement religieux;

18%

par les statuts et tweets politiques.

Par contre, ils admettent être influencés positivement à:

65%

par le bénévolat et les dons à des oeuvres de charité.

42%

disent avoir reconsidéré une candidature sur la base du contenu observé sur le profil d'un candidat!

Source: sondage réalisé par la plateforme de recrutement Jobvite auprès de 1600 recruteurs et professionnels des ressources humaines américains en juin 2013.