Inquiets du succès professionnel de leur enfant, des parents n'hésitent plus à contacter les employeurs pour leur transmettre le CV de fiston ou vanter la candidature de leur fille.

Il y a quelques mois, Marie Nolwenn Trillot, présidente de NGPP, firme spécialisée dans le recrutement et le placement de personnel, a reçu un coup de fil d'un employeur. «On me demande si je peux rencontrer la fille de l'une de leurs employées afin de la référer pour un poste administratif, raconte-t-elle. J'appelle la jeune femme après avoir reçu son CV. Quelle ne fut pas ma surprise de me retrouver en ligne avec la mère et la fille, la première fournissant des réponses à la deuxième. Elle a même confirmé la disponibilité de son enfant pour l'entrevue!»

Après avoir envahi toutes les sphères d'activité de leurs enfants, les parents hélicoptères - ces pères et ces mères qui volent continuellement au secours de leur progéniture - s'attaquent-ils maintenant au marché du travail?

En 2007, l'Université d'État du Michigan a mené un sondage auprès de 725 employeurs américains pour évaluer l'implication des parents dans la carrière de leur enfant. Environ 40% des répondants ont rapporté avoir vu des parents collecter des renseignements sur leur entreprise pour leur enfant et 31% ont reçu des CV de candidats soumis par les parents. Près de 10% des employeurs ont eu à gérer des demandes de parents voulant assister à l'entretien d'embauche ou participer aux négociations des conditions salariales de leur rejeton.

Selon Mme Trillot, sa mésaventure au téléphone demeure un cas d'espèce. «Ce qu'on voit davantage au Québec, ce sont des parents qui envoient le CV de leur enfant, moussent un peu leur candidature et font un suivi par la suite», affirme la conseillère en ressources humaines agréée.

Bien que tout cela parte d'une bonne intention, Marie Nolwenn Trillot invite les parents à ne pas se mêler du processus d'embauche de leurs enfants qui, après tout, sont majeurs et vaccinés. «Une telle intervention nuit au candidat puisqu'elle lui enlève toute crédibilité, estime-t-elle. L'employeur aura le sentiment que le jeune adulte qui se présente devant lui subit une certaine pression. Cela soulève plusieurs questions. Est-ce vraiment lui qui a sollicité le poste? Veut-il réellement travailler ici? Pourquoi a-t-il encore besoin qu'on le tienne par la main?»

Un parent gagnerait davantage à faire des simulations d'entrevue avec son enfant. «Mais sans lui mettre les mots dans la bouche, nuance la présidente de NGPP. De son côté, l'enfant doit démontrer à ses parents qu'il est capable de se prendre en main.»

Rassurer les parents

Les pères et les mères qui agissent de la sorte sont en fait des parents inquiets, rappelle Marie Nolwenn Trillot. «Nous devons les rassurer tout en mettant nos limites», dit-elle. Les universités l'ont compris depuis bien longtemps, elles qui ont vu apparaître ces parents sur leur campus il y a plus d'une dizaine d'années.

«Nous expliquons aux parents notre structure, nos services et nos événements, que ce soit par l'entremise de notre association de parents ou lors de nos portes ouvertes, par exemple, mais nous n'encourageons pas les parents à dormir dans les résidences, déclare Kathleen Massey, registraire et directrice générale de la gestion de l'effectif étudiant de l'Université McGill. Les entreprises peuvent faire de même en leur donnant des renseignements sur le processus de sélection tout en indiquant qu'elles préfèrent qu'ils n'assistent pas à l'entrevue de leur enfant.»

LinkedIn a tendu la main aux parents d'une autre façon. Le 7 novembre 2013, dans 14 pays, des employés du réseau social professionnel se sont présentés au boulot accompagnés de papa et de maman. D'autres entreprises ont participé à cette journée familiale, comme Rubicon, Logitech et Edelman. «Nous avons mené un sondage international qui a révélé qu'un parent sur trois ne comprend pas le travail de son enfant et que deux parents sur trois aimeraient en savoir plus, indique Danielle Restivo, responsable des programmes mondiaux au sein de l'équipe de communication de LinkedIn. Cette journée servait à combler ce manque.»

Selon Marie Nolwenn Trillot, cette stratégie constitue le meilleur des deux mondes. «L'entreprise a une attitude inclusive sans pour autant avoir impliqué les parents dans le processus d'embauche, ce qui a permis à l'enfant de décrocher son poste par lui-même», analyse-t-elle.