Des défis, les entrepreneurs et les gestionnaires en rencontrent tous les jours. La Presse vous propose une série d'articles présentant des difficultés et des solutions inspirantes adoptées par des gens sur le terrain. Cette semaine: comment gérer des enjeux de nature sexuelle au travail?

Une employée tombe amoureuse d'un collègue de travail. Tout va bien jusqu'à ce que, pour maintenir la flamme allumée, elle lui envoie à son adresse courriel des photos d'elle nue. Des techniciens trouvent les photos et les font circuler dans l'entreprise. Que doit faire l'employeur?

Avec le développement des technologies de l'information et la popularité des médias sociaux, les employeurs doivent intervenir de plus en plus dans des situations qui vont à la limite de la vie privée de l'employé.

«On pense souvent que ce qui se retrouve dans les boîtes de courriels demeurera toujours confidentiel, mais les messages et photos peuvent circuler dans l'organisation», indique Nancy Ménard-Cheng, avocate en droit du travail et de l'emploi chez Norton Rose Fulbright. Récemment, elle a donné une présentation sur les questions liées au sexe en milieu de travail avec Daniel Leduc, associé en droit du travail et de l'emploi au même cabinet.

Dans ce cas précis, l'employée avait agi sans être consciente des conséquences possibles. L'employeur a simplement averti l'employée que ce type de photos ne devait pas se retrouver sur les serveurs de l'entreprise, et le dossier a été clos.

Prévention

Une entreprise ne peut évidemment pas tout prévoir, mais elle peut agir de façon proactive.

Par exemple, les politiques de gestion de l'utilisation des technologies de l'information sont souvent incontournables dans les entreprises.

«Une politique sur l'utilisation des médias sociaux peut donner des exemples de ce qu'un employé peut diffuser ou non, même si c'est en son propre nom et sur ses heures de loisir, afin de ne pas nuire à son employeur», explique Daniel Leduc.

Par la suite, un employé contrevenant ne pourra pas plaider l'ignorance, si l'employeur lui impose des mesures disciplinaires.

L'employeur se doit aussi d'appliquer religieusement sa politique.

«Un employé pourrait plaider la culture de tolérance dans l'entreprise si, par exemple, plusieurs employés regardaient fréquemment du matériel pornographique et que seulement lui a été discipliné», affirme Nancy Ménard-Cheng.

Mesures disciplinaires

Diffusion de photos compromettantes d'un employé sur les médias sociaux, relations sexuelles d'employés sur les lieux de travail: des mesures disciplinaires peuvent être prises par l'employeur dans différentes situations impliquant le sexe et les employés.

Les cas de diffamation sont aussi fréquents, remarque Me Leduc.

«Par exemple, si une relation entre deux collègues se termine et que l'un commence à rapporter des faits intimes concernant l'autre, dit-il. La diffamation ne se limite pas à raconter des mensonges.»

Généralement, dans un cas comme celui-là, Daniel Leduc conseille de mettre en demeure l'employé pour qu'il cesse de rapporter ces faits.

«J'ai vu des cas où l'employé n'a pas obtempéré, et le dossier s'est rendu en cour d'arbitrage», précise-t-il.

Autre cas classique: le gestionnaire qui amène son équipe dans un bar de danseuses nues.

«Des employés se demandent s'ils doivent y aller parce que l'initiative vient du gestionnaire et souvent, une plainte est déposée au département des ressources humaines, raconte Me Leduc. C'est clairement un manque de jugement de la part du gestionnaire, et on recommande de le discipliner.»

Bien sûr, discipliner ne signifie pas nécessairement congédier.

«Il faut analyser chaque situation selon sa gravité et agir en conséquence, explique l'avocat. Mais il arrive qu'après un seul comportement, l'employeur conclue que l'employé n'a plus l'autorité morale ou la confiance nécessaire pour être maintenu en poste.»

On se souvient, par exemple, du cas très médiatisé de l'employée d'une commission scolaire congédiée en 2011 parce qu'elle était également actrice de films pornographiques.

Situation de dépendance

En matière de sexe comme en matière de drogue, l'employeur peut devoir aider son employé à régler un problème de dépendance.

«L'employé doit toutefois avoir une preuve médicale de son trouble, indique Me Leduc. J'ai vu cela, par exemple, dans des cas de masturbation au travail, et l'employeur a conclu une entente avec l'employé pour lui permettre de s'absenter et suivre une thérapie avant de pouvoir revenir au travail sous certaines conditions.»

L'employeur a l'obligation d'accommoder l'employé, à moins de contraintes excessives. «Sinon, il risquerait d'être accusé de discrimination en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne.»