Quand le président de Michelin a voulu imposer une rupture dans le style de la direction, il s'est tourné vers un psychologue organisationnel du Québec. Plusieurs institutions financières québécoises ont fait appel au même homme lorsqu'elles ont décidé de transformer le rôle des milliers de caissiers qu'elles employaient. Depuis 30 ans, Martin Forest soutient les organisations privées et publiques en démontrant que leur transformation doit passer par la puissance du collectif.

Lorsqu'un vent de changement souffle sur une entreprise, les réactions peuvent aller de l'excitation à l'extrême inquiétude. «Certains employés voient arriver la transformation en se demandant ce qu'ils ont fait de mal ou ce qu'ils auraient dû faire autrement, explique Martin Forest. D'autres y voient un manque de reconnaissance de leurs réalisations.»

Il ajoute: «C'est important d'amener les employés à comprendre les enjeux de l'entreprise. Si on tient les gens dans l'ignorance, qu'on les met devant le fait accompli, il va y avoir de la résistance. Les employés doivent être mis dans le coup de leur propre transformation.»

Selon M. Forest, les périodes de grandes transitions devraient pousser les employeurs à maintenir le dialogue avec leurs employés. «Les entreprises doivent être transparentes, ouvrir leurs livres, faire confiance et partager leur stratégie. Elles ont intérêt à percevoir leurs employés comme des associés dignes de confiance. Le but est de réfléchir ensemble à la transformation.»

Parmi les mandats confiés au psychologue organisationnel, notons celui de transformer les caissiers des grandes banques en conseillers. «Quand les institutions financières ont compris que le premier facteur de fidélité était l'empathie ressentie par les clients, elles ont choisi de transformer le rôle des caissiers. Aujourd'hui, les conseillers doivent aider les clients à réaliser des projets de vie, en équilibre avec les objectifs de la banque. Ils aident leur communauté à développer sa pérennité.»

Choisir d'abord le changement

Au début du processus, Martin Forest a donc collaboré avec la direction afin d'amener le personnel à choisir ce changement. «Pour que les employés deviennent responsables de leur évolution, on a organisé des événements où on favorisait les échanges. On commençait nos discussions en leur posant des questions, au lieu de leur donner des réponses. On a beaucoup travaillé pour changer la perception qu'ils avaient de leur utilité.»

La situation était semblable lorsque Édouard Michelin a succédé à son père à la direction de l'entreprise de pneumatiques en 1999. «Édouard voulait être plus moderne, plus associatif et penser développement durable. Il voulait créer une rupture de style, mais sans perdre la poigne. Il a donc fait une tournée mondiale des divisions de Michelin pour que son message se rende aux 174 000 employés. Habituellement, les employés s'assoient dans le noir, pendant que les projecteurs sont braqués sur les chefs pour qu'ils brillent. Mais cette fois, je lui ai conseillé de s'adresser aux gens du centre de la pièce et de leur poser des questions. Les employés ont été surpris. Ils sentaient que quelque chose se passait et ils ont accordé une plus grande crédibilité au discours qui a suivi. Ils ont compris que leur nouveau président allait exercer un leadership différent. En réalité, Édouard a écouté ses troupes tellement fort qu'il a été entendu.»

Plus naturel au Québec

Fort de ses expériences en France et au Québec, Martin Forest note que la science du développement organisationnel est plus naturelle chez les Québécois. «Les Français ont du mal avec l'idée d'intervenir sur une culture. Mais ça devient un incontournable partout. Les recherches démontrent que les investissements réalisés dans ces démarches influencent positivement l'évolution d'une entreprise sur le marché.»