Selon l'Alliance Québec Animation, le Québec est passé du statut de leader mondial de la production d'animation avec un volume de 200 millions de dollars, en 2000, pour chuter dramatiquement à un volume de 20 millions en 2010. Les travailleurs, qui en subissent les contrecoups, vivent d'emplois contractuels et d'incertitude. Heureusement, le secteur se renouvelle avec l'arrivée du numérique.

Comme annoncé dans les pages de La Presse le 2 mars, l'Alliance Québec Animation (AQA) s'est donné comme mission de tenir des états généraux de l'animation en 2012 afin de trouver des solutions pour relancer le secteur (qui n'inclut ni l'industrie florissante du jeu vidéo ni les effets spéciaux).

Est-ce à dire que les perspectives sont peu réjouissantes pour ceux qui rêvent de faire carrière en créant des dessins animés ou des films d'animation? Oui et non. Si l'industrie s'est essoufflée durant la dernière décennie, le passage à la numérisation a redonné un élan au secteur. C'est d'ailleurs au Québec qu'a été créé Toon Boom, chef de file des logiciels d'animation.

«La numérisation de la chaîne de production permet de diminuer les coûts. On a ainsi pu rapatrier certains travaux d'animation qui se faisaient en Asie et même créer de nouveaux emplois qui n'existaient pas avant, affirme Jacques Bilodeau, président d'Oasis Animation. Depuis cinq ans, on a créé une centaine d'emplois chez Oasis. Mais l'ensemble de l'industrie ne va pas mieux pour autant.»

Vivre dans l'incertitude

Le ralentissement du secteur a fait mal à ses artisans. L'emploi est précaire, contractuel, sans compter les salaires, qui n'ont pas vraiment augmenté depuis 10 ans, déplore Dave Pelkey, directeur d'animation chez TTK. «On vit dans l'incertitude et l'instabilité, explique celui qui a travaillé sur les Triplettes de Belleville et s'est déjà exilé à Vancouver pour travailler sur le film Sinbad. Je fais partie des chanceux qui ont un emploi assez stable, mais j'ai déjà passé plus d'un an sans travailler. Actuellement, toute mon équipe est au chômage depuis deux mois, en attente d'un nouveau projet.»

Paradoxalement, des studios ont parfois de la difficulté à recruter la main-d'oeuvre nécessaire pour réaliser d'importants contrats. «Dans les deux dernières années, on a été obligés de décliner des projets à cause de ça. Il nous est aussi arrivé d'engager des gens de l'Ontario ou de l'extérieur», relate M. Bilodeau.

Le problème, c'est le manque de productions locales et de diffuseurs, avance Marie-Claude Beauchamp, présidente de l'AQA. «Cela viendrait créer des emplois permanents et empêcher des travailleurs de s'exiler», croit-elle.

Les entreprises n'ont donc pas le choix d'aller chercher des contrats extérieurs. «Cette année, une centaine d'employés ont travaillé sur un contrat européen. C'est ainsi qu'on arrive à garder les emplois. Mais il faudrait éviter de devenir un centre de services», s'inquiète M. Bilodeau, qui affirme que 80% de ses contrats de proviennent pas de Montréal.

Faire sa place

Titulaire d'un AEC en animation, Paul Laberge préfère travailler à la pige que dans un studio. Fort de plusieurs expériences en animation (dont Belzébuth, segment d'animation du film Dédé, à travers les brumes), il a réussi à se bâtir un solide réseau de contacts. Du travail? Il n'en manque pas, assure-t-il.

Il fait office d'homme à tout faire dans la plupart de ses contrats de pub ou de clip d'animation; il peut être à la fois designer, animateur et réalisateur. «Les clients aiment parler directement avec l'artiste sans trop d'intermédiaires», explique-t-il.

Selon l'animateur, il faut laisser aller le passé et se tourner vers l'avenir, qui se trouve dans le clip et la pub plutôt que dans la série télé ou le cinéma. «Le secteur a assurément changé et ça ne sera plus jamais comme avant. Les animateurs se sont réinventés, innovent sans cesse et ça donne des résultats fantastiques qui s'exportent bien», conclut-il.