La plupart des adultes qui souffrent du TDAH l'ignorent. Ils sont désorganisés, impulsifs, retardataires, mais aussi très créatifs. Le marché du travail demeure toutefois sans pitié à leur égard.

Environ 4% des adultes souffrent du trouble déficitaire de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Plus de 90% d'entre eux ne le savent pas.

Ils sont désorganisés. Ils cumulent les retards. Ils sont incapables de rester en place. Ils ont la mémoire courte. Ils sont distraits, impulsifs, hypersensibles.

Leur vie professionnelle pâtit cruellement de ce problème neurologique. Ils font davantage l'objet de mesures disciplinaires, sont plus souvent licenciés et ils démissionnent fréquemment.

C'est le cas de Paul, gestionnaire de projet en réseau informatique. «J'ai longtemps eu de la difficulté à garder un emploi. Je n'étais pas responsable et j'arrivais souvent en retard», raconte celui qui préfère conserver l'anonymat.

Puis un jour, ses fils ont reçu un diagnostic de TDAH. «Le psychologue de leur école m'a alors demandé de passer des tests», poursuit-il.

Quelques années plus tard, il a consulté Linda Walker, coach pour les adultes atteints du TDAH. «J'aide mes clients à être plus efficaces au travail, explique-t-elle. Ce sont des personnes qui ont un énorme potentiel. On doit leur donner la même chance de réussir que les autres.»

Mais dénicher l'emploi rêvé est ardu. «Les tâches qui leur conviennent le mieux sont très stimulantes, variées et de courte durée, sans interruption constante et avec peu ou pas de gestion de paperasse», décrit Dr Annick Vincent, une spécialiste du TDAH.

Un exemple? L'armée. «Une personne souffrant de TDAH pourrait s'y plaire, croit-elle. C'est un milieu très encadré, où tout bouge très vite et où l'on n'a pas à rédiger de longs rapports.»

Des génies créatifs

L'entrepreneuriat est aussi une voie tout indiquée. Les gens affectés par ce trouble y sont surreprésentés. «Ce sont des génies créatifs», remarque Linda Walker.

David Neeleman, inventeur du billet d'avion électronique et fondateur de Jet Blue Airline, a déjà indiqué être atteint de TDAH.

Selon une récente étude américaine, les adultes ayant un TDAH sont plus inventifs dans la résolution de problèmes.

«En démarrant leur entreprise, ces personnes se créent un emploi qui les passionne et peuvent déléguer les tâches qui leur conviennent moins», affirme Mme Walker.

Sortir de l'ombre ou pas?

Le TDAH est un sujet encore tabou au Québec, observe Linda Walker. «Il y a beaucoup de préjugés selon lesquels ces personnes sont paresseuses.»

Difficile, donc, de dévoiler son diagnostic à son patron. «Certains ne sont pas promus après coup», rapporte-t-elle.

«Si la relation avec l'employeur est bonne, on peut demander certains ajustements sans signaler son TDAH», croit Dr Vincent.

Elle ajoute que certains employeurs sont plus sensibles que d'autres à cette maladie. Ils vont même jusqu'à recommander des employés à leur service de santé.

Des accommodements très raisonnables

De simples dispositifs permettent de surmonter son TDAH: porter des bouchons d'oreilles, réclamer des minirencontres pour éviter les interruptions constantes, enregistrer les réunions, occuper un bureau dans un coin tranquille, etc.

Pour l'employeur, ces accommodements sont un petit prix à payer compte tenu des aptitudes de ce type d'employés.

Par exemple, Paul jongle à merveille avec les chiffres. Son supérieur lui a enlevé les tâches qui le freinaient et lui permet même de faire du télétravail.

Avec l'aide de Mme Walker, Paul a aussi adopté de bonnes habitudes. «Le matin, j'accomplis les trois choses les plus importantes de la journée, dit-il. Le soir, je planifie ce que j'ai à faire le lendemain.»

Il prend des médicaments à l'occasion. «Seulement quand une tâche requiert une grande concentration», précise-t-il.

Contrairement à la croyance populaire, le TDAH n'implique pas forcément des doses massives de Ritalin. La médication survient seulement après la confirmation du diagnostic et un suivi en psychothérapie. «La médication agit un peu comme une paire de lunettes biologiques, explique Dr Vincent. Elle améliore l'acuité du cerveau. Et comme toutes les lunettes, elle doit être personnalisée.»

Elle recommande avant tout de bien manger et dormir, de bouger... et d'avoir du plaisir! «Le cerveau a besoin de plaisir pour se concentrer», rappelle-t-elle.