De plus en plus de gens travaillent de la maison, sont travailleurs autonomes, ou contractuels. Pour s'afficher professionnellement, plusieurs deviennent membres de réseaux sociaux nichés, comme Réservoir T, un nouvel acteur québécois.

Yanick Déry, photographe, a plus de 1800 «amis» sur Facebook. Plusieurs sont simplement des admirateurs de son travail. «On ne s'y retrouve pas!», admet-il.

Il a joint récemment le réseau Réservoir T. «On n'y voit pas les connaissances, ou les fans; on voit les gens avec qui on travaille. C'est simple d'y partager ses oeuvres», explique-t-il.

Le réseau est actif dans sept secteurs d'activités: le film/vidéo, l'imprimé, le jeu vidéo, la musique, la photographie, la scène/événement et le web.

Chaque créateur s'y crée un profil pour mettre en ligne les oeuvres dans lesquelles il a joué un rôle. Pour chaque oeuvre, il doit préciser ce rôle, mais aussi, ceux joués par d'autres. C'est d'ailleurs pour tenter de démêler qui fait quoi que Jean-Pierre Serra a eu l'idée de la plateforme.

«Comme réalisateur et producteur, je recevais toujours des canaux YouTube d'artistes avec plusieurs vidéos. Si la personne se disait monteur, dans les 15 vidéos du canal, elle avait peut-être fait le montage de deux, alors que dans les autres, elle avait fait autre chose. Ce n'était pas évident de se retrouver», affirme l'instigateur du projet qui oeuvre chez Expérience 7.

À la fin mars, il a lancé officiellement le site qui compte déjà plus de 700 membres.

Sortir de son cercle habituel

Dans les différents milieux créatifs, les gens travaillent souvent avec les mêmes personnes. Est-ce qu'un site du genre peut amener des gens à de nouvelles collaborations?

«Exposer sur une nouvelle plateforme nous fait découvrir des gens qu'on ne trouverait pas autrement, croit Yanick Déry. On voit aussi qui a travaillé avec qui. C'est un avantage parce que si j'aime le travail de quelqu'un, je peux rapidement jeter un coup d'oeil sur plusieurs de ses oeuvres. En regardant les génériques, je peux découvrir par exemple qu'il a travaillé avec une maquilleuse avec qui je collabore. Je peux donc lui demander comment c'était de travailler avec cette personne.»

Vicky Bounadère, productrice chez Passez Go, est du même avis. «C'est certain que je travaille souvent avec les mêmes artistes, mais si j'ai un besoin précis, c'est facile de chercher sur Réservoir T. Le site permet de sortir de son réseau habituel et de faire des découvertes. Il ne met pas en valeur seulement le réalisateur d'une vidéo, mais tous les artistes liés au projet, donc c'est intéressant.»

«J'ai découvert des gens grâce à Réservoir T et peut-être qu'un jour, on travaillera ensemble», affirme pour sa part Patrick Péris, réalisateur.

Une tendance d'avenir?

D'après Louis-Jacques Filion, professeur à HEC Montréal et titulaire de la chaire d'entrepreunariat Rogers-J.-A.-Bombardier, on verra de plus en plus de réseaux du genre.

«Les gens se regroupent dans les réseaux sociaux par affinités, par secteurs d'activités, etc. Dans 10 ans, il y en aura des milliers. C'est comme le marché de la consommation. Il y a le gros Walmart et tous les commerces spécialisés. C'est le même phénomène avec les réseaux sociaux. Il y a les gros Facebook et Twitter et tous les petits spécialisés.»

Est-ce que c'est rentable de s'afficher sur les petits réseaux sociaux spécialisés?

«Soyons honnêtes, dit Patrick Péris. Dans le domaine de la création, si on veut percer et qu'on n'est pas présent sur le web et dans les réseaux sociaux, nos chances sont pas mal nulles. Je suis sur plusieurs plateformes et je partage mes choses d'une à l'autre. Les différents réseaux sociaux ne sont pas des concurrents. Ils sont complémentaires.»

Pour Louis-Jacques Filion, il y a plusieurs raisons qui poussent les créateurs, les travailleurs autonomes et les contractuels à être présents dans les réseaux sociaux spécialisés.

«Ce n'est pas seulement une question de faire des affaires et de se recommander mutuellement, affirme-t-il. C'est certain toutefois que cela peut aider lorsqu'on traverse des moments difficiles, parce qu'il semble qu'il y ait une certaine solidarité dans ces réseaux. Plus encore, lorsqu'on se retrouve avec des gens d'une même industrie, c'est rassurants et c'est stimulant.»