Le sondage, réalisé par CROP en août dernier pour le compte de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (OCRHA), montre que, pour une majorité de Québécois (58%), le salaire devrait cesser d'être un sujet dont on ne parle pas. Une affirmation qui rejoint particulièrement les femmes, qui sont 65% à être en accord avec l'abolition de ce tabou.

«Avec l'adoption de la Loi sur l'équité salariale, de plus en plus de femmes sont conscientes qu'elles sont sous-payées en général, ce qui les amène à vouloir comparer les exigences et salaires de postes semblables, lance Julie Houde, professeure à l'École de gestion de l'UQAM. Les derniers chiffres montrent que pour 1$ gagné par un homme, une femme gagne en moyenne 75 cents.»

Une conclusion que tire également l'OCRHA, nous confirme le président, Florent Francoeur. «Selon un sondage que nous avions réalisé il y a deux ans, il existait encore un écart salarial de 10% entre les hommes et les femmes pour un travail équivalent. Il y a encore du rattrapage à faire, ce qui amène les femmes à vouloir en parler plus», croit-il.

Rappelons que l'échéance approche pour les entreprises qui ne se sont pas encore conformées à la Loi sur l'équité salariale: la date limite pour le faire est le 31 décembre prochain et seulement 53% des entreprises déclaraient avoir fait leur devoir en 2009, selon le rapport de la Commission sur l'équité salariale.

Des doutes sur l'équité

Un des résultats étonnants de ce sondage, c'est que plus de la moitié de la population (51%) pense que son salaire n'est pas fixé de façon juste et équitable. Pour M. Francoeur, ce n'est pas tant un indicateur que les entreprises sont inéquitables plutôt qu'un problème de communication: «Je pense sincèrement que, dans la grande majorité des entreprises québécoises, le travail est bien fait. Le problème, c'est qu'elles ne prennent pas le temps de s'asseoir avec leurs employés pour expliquer comment leur salaire est calculé. Dans le doute, les travailleurs ont tendance à penser que leur situation est injuste.»

En effet, avance Julie Houde, «les études montrent que lorsque les gens ont accès à peu d'information, ils ont tendance à surestimer le salaire et sous-estimer les exigences d'emploi des personnes avec qui ils se comparent.»

Il est donc essentiel de se doter de bons outils, qui élimineront le favoritisme ou la fixation des salaires «à l'oeil», affirme Mme Houde: «Les entreprises doivent développer des outils rigoureux d'évaluation des emplois, comme le niveau des qualifications, les responsabilités assumées, les efforts et conditions de travail. La Commission sur l'équité salariale a mis en ligne des outils faciles d'utilisation qui peuvent servir pour évaluer n'importe quel emploi.»

Une bonne façon de procéder est de faire participer directement les employés au moyen de sondages, questionnaires ou interviews, ajoute Mme Houle. «Les employés considéreront plus facilement que leur salaire est équitable s'ils ont fourni eux-mêmes l'information.»

Les jeunes sortent du lot: près de 84% ont déjà discuté de leur salaire avec des collègues (comparativement à 70% pour la population en général) et 69% voudraient connaître le salaire de leurs collègues comparativement à 51% pour l'ensemble des répondants; 77% d'entre eux divulgueraient leur salaire si on leur demandait, une proportion qui baisse à 52% chez les 55 ans et plus. «Les jeunes sont de plus en plus individualistes, d'une part, et croient aux valeurs d'égalité et de transparence», affirme M. Francoeur pour expliquer ces résultats.