Jean Leclerc a 78 ans et il adore son travail. La retraite n'a jamais été quelque chose de très attirant pour lui. Après avoir travaillé pendant 20 ans comme pompier, il a tenu un commerce, pour ensuite devenir agent de sécurité jusqu'en 2005.

Il travaille maintenant quatre jours par semaine aux Glissades des Pays-d'en-Haut, dans les Laurentides, quatre mois par année. «Rester à ne rien faire, je ne suis pas capable, dit-il. Il faut que je bouge! Ici, je travaille en plein air, je vois beaucoup de gens et ça me plaît.» Il n'est pas le seul. Des quelque 80 employés que compte l'entreprise, environ 20 sont des retraités. Ils travaillent aux remontées, à l'entretien, au casse-croûte ou comme chefs d'équipe.

«Nous essayons d'embaucher des personnes à la retraite car il s'agit d'un bassin de main-d'oeuvre important dans les Laurentides», explique Nicolas Raymond, copropriétaire et directeur des ressources humaines. Les retraités sont si nombreux dans cette région que la MRC des Pays-d'en-Haut a créé un projet-pilote à leur intention, «Conciliation travail-retraite», pour jumeler les retraités intéressés aux employeurs potentiels.

Mais pour être en mesure de les accueillir, il faut être prêt à faire des compromis, explique M. Raymond. C'est ainsi que l'entreprise organise ses horaires de façon plus flexible pour répondre à leurs besoins. On a aussi aménagé les postes de travail pour les rendre plus confortables.

«Ça nous sert, dit-il. La plus belle réussite est de constater ce qu'ils apportent aux plus jeunes. Parfois, un jeune manque de motivation. Quand le retraité arrive avec son énergie et son goût pour le travail, ça l'encourage!»

Un apport crucial

Alors que le Québec entre dans une période de pénurie de main-d'oeuvre sans précédent, les personnes de 50 ans et plus seront de plus en plus incitées à rester ou à retourner sur le marché du travail. En janvier dernier, une étude du CIRANO réalisée par Claude Castonguay et Mathieu Laberge a souligné l'importance, pour les finances publiques du Québec, d'encourager cette catégorie de travailleurs à rester sur le marché du travail plus longtemps.

L'étude aborde notamment le concept de vieillissement actif: «Le temps est venu, écrivent les auteurs, pour un nouveau paradigme selon lequel les personnes âgées sont pleinement impliquées dans la société et contribuent à son développement à titre de participants et de bénéficiaires.»

Ce point de vue se répand d'ailleurs dans la population. Selon un sondage SOM réalisé en 2008 pour l'organisme Question retraite, 62% des répondants âgés de 25 à 34 ans entrevoient une retraite progressive, tandis que c'est le cas pour 47% des répondants âgés de 45 à 54 ans.

De plus, l'amélioration générale de l'état de santé de la population rend possible le maintien en emploi plus longtemps qu'auparavant. Aujourd'hui, l'employé moyen de 65 ans a un état de santé équivalent à celui qu'avait un employé de 54 ans en 1960, note Frédéric Lesemann, professeur à l'INRS et directeur du Groupe de recherche sur les transformation du travail, des âges et des politiques sociales.

À la Fédération de l'âge d'or du Québec (FADOQ), on cherche à sensibiliser les employeurs aux apports positifs des travailleurs expérimentés dans une organisation. «Il y a déjà plus d'un an qu'on a commencé à travailler à ce dossier, dit Danis Prud'homme, directeur général du Réseau FADOQ. Avec notre campagne Défi Travail 50 ", on a fait la promotion de l'expertise des 50 ans et plus auprès de 2000 employeurs.» Malheureusement, il y a des préjugés et de l'âgisme envers ce groupe de travailleurs, selon M. Prud'homme.

«Beaucoup d'employeurs disent que les employés de plus de 50 ans coûtent cher. Il faut changer cette mentalité. On leur dit: si vous trouvez qu'ils coûtent cher, c'est que vous ne les utilisez pas bien et que vous les mettez sur une tablette. Il faut continuer à les former et aussi profiter de leur très grande expertise. Ils peuvent faire du mentorat auprès des jeunes.»

Selon M. Prud'homme, les employeurs n'ont pas le choix de s'adapter s'ils veulent profiter de ce bassin de main-d'oeuvre. Après la conciliation travail-famille, la conciliation travail-retraite!

«Tant que quelqu'un a le désir et la capacité de continuer son travail et le fait bien, il n'y a pas de raison de l'envoyer à la retraite», dit-il.