Tandis que ses meubles bénéficient d'une grande visibilité dans la populaire émission Occupation double, Maison Éthier vit des heures difficiles. Le détaillant s'est mis à l'abri de ses créanciers et tentera une relance au cours des prochains mois. Son plus important créancier, Desjardins, aurait préféré une liquidation des actifs, mais le juge en a décidé autrement.

L'entreprise fondée en 1984 pourra poursuivre ses activités, car le juge lui a accordé jeudi le droit de se restructurer en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC).

« L'objectif est de stabiliser les opérations, de mettre en place une nouvelle structure de financement et de déployer Maison Éthier sur la Rive-Nord en 2019 avec un nouveau point de vente », résume Stéphane De Broux, associé, Services-conseils transactionnels chez KPMG, le contrôleur dans le dossier.

Groupe Maison Éthier (officiellement deux entités) exploite des magasins à Saint-Jean-sur-Richelieu et à Saint-Basile-le-Grand qui emploient 91 personnes. Les créances totalisent 23,2 millions tandis que les ventes annuelles sont d'environ 30 millions.

CAUSES DES DIFFICULTÉS

Sylvain Bonneau et François Éthier ont acquis Groupe Maison Éthier en 2016 pour 19 millions de dollars. Ils ont mis la main sur les parts de deux des trois frères Éthier, Serge et Michel. Pierre est demeuré actionnaire à parts égales avec les deux nouveaux actionnaires (dont un est son fils).

Cette transition a été difficile, selon KPMG.

« Les anciens propriétaires n'ont jamais été là une seconde. Ils n'ont pas été là pour nous aider [...] C'est extrêmement difficile sur les plans personnel et professionnel. J'ai appris à la vitesse grand V. » - Sylvain Bonneau

M. Bonneau était directeur général de Maison Éthier peu avant la transaction et y travaille depuis 25 ans avec François Éthier.

Les deux nouveaux entrepreneurs ont également dû apprendre à composer avec une nouvelle réalité : la popularité des achats de meubles et matelas en ligne.

« Casper, Endy, Wayfair... Ça a pris beaucoup d'ampleur et ça crée une pression sur les prix qu'on n'avait pas, raconte M. Bonneau. Donc, les marges ont considérablement baissé. »

En outre, la transaction avait été mal ficelée. « La structure financière n'était pas adéquate pour ce genre d'entreprise. Elle ne donne pas la flexibilité nécessaire », selon Stéphane De Broux.

DESJARDINS VOULAIT SON ARGENT

Le 24 octobre dernier, l'entreprise a reçu « un ultimatum » de la caisse populaire Desjardins du Haut-Richelieu qui voulait récupérer une semaine plus tard la totalité des sommes dues (8,3 millions), apprend-on dans une requête déposée en Cour supérieure par KPMG.

Étant donné qu'un processus de vente des immeubles avait été entrepris et que quatre offres d'achat avaient été reçues, dont deux « offrant un montant suffisant pour rembourser les principaux créanciers garantis dont la Caisse », un délai de paiement jusqu'en janvier a été demandé.

Desjardins a refusé. Quelques jours plus tard, l'institution financière a souhaité la nomination d'un séquestre pour procéder à une liquidation de biens mobiliers et immobiliers. Elle a aussi « suspendu l'accès aux comptes bancaires » de Maison Éthier.

La Caisse dit avoir « pris cette décision d'affaires après plusieurs mois de discussion avec Maison Éthier pour trouver des solutions aux difficultés financières [de l'entreprise], nous a indiqué une porte-parole par courriel. Malheureusement, les discussions ont abouti à une impasse ».

« Quand il y a une mise sous séquestre, c'est la fin. Il n'y a plus d'avenir, explique Stéphane De Broux, convaincu que l'entreprise est viable. La solution de Desjardins n'avantageait que Desjardins et créait des problèmes pour les employés, les fournisseurs et les clients. »

Sur sa page Facebook, le détaillant de meubles annonce une « liquidation extrême ». D'ailleurs, KPMG invite les consommateurs à venir profiter des soldes et tient à rassurer ceux qui ont fait un acompte qu'ils recevront leurs meubles.

LES PRINCIPAUX CRÉANCIERS DE GESTION MAISON ÉTHIER (AU 30 SEPTEMBRE)

Desjardins, caisse du Haut-Richelieu : 8,3 millions

BDC : 5,6 millions

Acomptes de clients : 2,2 millions

Michel Éthier : 1 million

Serge Éthier : 1 million

LG Electronics Canada : 243 000 $

Cogeco Média : 203 000 $

La Presse : 162 000 $

Evolocity Financial Group : 119 000 $