Des milliers d'employés ont été embauchés. De généreux rabais sont affichés sur des produits électroniques, petits électroménagers et appareils photo numériques. Les magasins seront ouverts dès 8h au Québec et même 6h dans le reste du Canada. Encore une fois, Best Buy est prête pour le Vendredi fou (Black Friday). Ou, devrait-on plutôt dire, la semaine du Vendredi fou.

Car Best Buy affiche des rabais dès ce matin. «C'est une façon de dire aux consommateurs: pas besoin de magasiner aux États-Unis demain, on a des soldes dès jeudi!», lance Thierry Lopez, directeur marketing et affaires corporatives, Québec, de Best Buy Canada.

Influencés par les enseignes américaines, de nombreux détaillants sautent à pieds joints dans le Vendredi fou au Québec. Il suffit de feuilleter son quotidien ou de regarder la télé pour voir que tout un chacun offre des rabais demain... et les six jours suivants.

«Ça fait désormais partie du folklore publicitaire, note Sébastien Rivest, vice-président création de DentsuBos. C'est une date clé dans la planification annuelle des annonceurs. Ce n'était pas le cas il y a six ans. À l'époque, on se demandait même comment traduire le terme Black Friday!»

«Il y a deux ou trois catégories d'annonceurs actifs cette année parmi nos clients, note Francine Marcotte, vice-présidente média de Cossette. Ce qui est plus qu'en 2014.»

De nombreux concessionnaires automobiles prennent part à l'événement, même si, traditionnellement, ils offrent déjà des rabais à cette période-ci sur leurs modèles de l'année. Appelez ça une stratégie de marketing. «Il reste que les événements d'un ou deux jours ne sont pas très gagnants pour un concessionnaire, dit Luc Arbour, vice-président-conseil de l'agence bleublancrouge, chargé du compte de l'Association des concessionnaires Toyota, qui ne prend pas part à la parade. Le Black Friday est lié aux achats spontanés, à l'électronique. Alors qu'on met de 30 jours à 3 mois pour acheter une voiture.»

La faiblesse du huard fait croire aux détaillants que les consommateurs canadiens seront moins nombreux à franchir la frontière américaine pour «économiser». Même que de nombreux Américains devraient visiter nos contrées dans les prochains jours, si on se fie à leur comportement d'achat l'été dernier et cet automne, selon le Financial Post.

L'arrivée officielle du temps des Fêtes

Qu'il soit prisé par les Canadiens ou les visiteurs américains, le Vendredi fou fait davantage office de cloche annonçant le début du temps des Fêtes dans un pays qui n'accorde évidemment pas de congé pour célébrer l'Action de grâce... américaine! Les clients ici commencent à magasiner plus tôt.

«Même avant cette semaine, certains détaillants annonçaient des réductions de 20%, remarque JoAnne Labrecque, professeure agrégée de marketing à HEC Montréal. De plus en plus, il y a des promotions permanentes à cause de l'internet, car sur le web, la clientèle est particulièrement sensible aux prix.»

«Ça a vraiment décollé il y a trois ans, explique Léopold Turgeon, PDG du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD). Aujourd'hui, on remarque l'étirement des ventes. Il y a eu une augmentation de 20% des achats, il y a deux ans, lors du Vendredi fou et du Cyberlundi. Mais de 6% toutefois l'an dernier.»

Encore faut-il que les rabais soient alléchants ou originaux, car les consommateurs ne sont pas dupes, croit Thierry Lopez, de Best Buy. «Ils s'informent sur l'internet et savent reconnaître les bons rabais, constate-t-il. C'est important d'avoir des soldes attrayants pour que ça puisse résonner l'année suivante.»

Sur le plan publicitaire, «le grand défi est de se démarquer, pense Sébastien Rivest. Autrement, ça devient cliché et on tombe dans les superlatifs et le quétaine».

À ce titre, Transat, un client de DentsuBos, lance pour la troisième année son encan de destinations voyage au profit de SOS Villages d'enfants, lors du Cyberlundi (30 novembre). De son côté, outre une réduction de 25% sur ses accessoires, Kanuk offre un rabais de 200$ sur un manteau à ceux qui rapporteront un manteau d'occasion, en bonne condition, qu'elle remettra au Chaînon et à l'Accueil Bonneau. «On adopte une position de responsabilité sociale, comme ça coïncide avec la période de la guignolée», explique Richard Laniel, président de Kanuk.

Cela dit, être attrayant ne veut pas dire de réétiqueter pour la cause tous ses produits en magasin. «Ce ne sont pas tous les détaillants encore qui sautent là-dedans», indique Léopold Turgeon.

«Ils n'ont plus le choix d'être concurrentiels sur le plan des prix, mais ça ne veut pas dire qu'il faille réduire les prix sur tout, ajoute JoAnne Labrecque. Les détaillants doivent réussir à se positionner tout en allant chercher les meilleures marges.»

La folie en ligne

L'incontournable pub

Liki.com, qui conçoit et gère des sites transactionnels pour les petits détaillants, note qu'en 2014 la valeur des ventes en ligne a doublé lors du Vendredi fou pour les PME. «Mais, un des problèmes chez les PME, c'est qu'il y a une espèce de pensée magique, soit que les clients vont venir d'eux-mêmes! analyse le président Jean-François René. Mais il faut mettre les efforts! Les PME font beaucoup de marketing intérieur, des rabais et de l'ajout d'articles sur leur site, mais elles n'investissent pas dans la pub.»

Le dollar crée l'occasion

François Charron, dirigeant de votresite.ca (Branchons les PME), souhaite que Noël 2015 soit le dernier où les Québécois achètent à l'extérieur de nos frontières. «Cette année, 19 millions de Canadiens dépenseront lors du Vendredi fou et du Cyberlundi, écrit-il dans un bulletin d'information. Avec le dollar à 75 cents US, les entreprises québécoises auraient une bonne occasion de tirer leur épingle du jeu, mais comme il y a trop peu de PME au Québec qui vendent sur le web, peu d'argent ira dans les poches des entreprises d'ici. En 2015, trois dollars sur quatre dépensés par les Québécois sur le web l'ont été à l'extérieur de la province...»