L'arrivée de succursales de la SAQ à l'intérieur de supermarchés ne se fera pas sans heurts. Le syndicat des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce (TUAC) promet déjà de déposer des griefs «pour protéger le travail» de ses membres.

«Je ne suis pas sûr que l'industrie s'attend à ça. Mais c'est sûr que je vais faire des griefs! Je vais protéger le travail de mes membres», lance Tony Filato, président des TUAC-500. Cette section locale représente les employés du Metro Plus Depatie, à Laval, dans lequel une succursale de la SAQ Express sera installée le printemps prochain dans le cadre d'un projet-pilote.

Étant donné qu'il s'agit d'une «véritable succursale» de la SAQ, ce sont les employés syndiqués de la société d'État qui y travailleront. Ceux-ci sont représentés par le SEMB SAQ, affilié à la CSN.

Or, selon l'article 1.04 de la convention collective en vigueur au Metro Plus Depatie, «aucune personne exclue de l'unité d'accréditation ne peut exécuter du travail normalement exécuté par des salariés couverts par le certificat d'accréditation dans l'établissement». Le propriétaire du supermarché et sa famille immédiate, les cadres, les employés de bureau et certains fournisseurs peuvent cependant effectuer certaines tâches. «On ne laissera pas des gens de l'extérieur venir faire le travail manuel de mes membres», prévient Tony Filato.

«[Mes membres] ne feront pas de travail manuel dans une épicerie. Ils vont faire du travail manuel dans une SAQ», rétorque Katia Lelièvre, présidente du SEMB SAQ. À son avis, une SAQ dans un Metro, «c'est comme un McDonald's dans un Walmart», puisque les deux commerces sont gérés séparément, mais sous un même toit. Cela dit, les Walmart et les McDonald's ne sont pas syndiqués.

La notion «d'établissement», inscrite dans le Code du travail, risque donc d'être au coeur du litige. À ce sujet, Tony Filato souligne qu'il ne peut empêcher des épiciers de louer de l'espace dans leur stationnement à des producteurs maraîchers, puisque ceux-ci travaillent à l'extérieur de l'établissement visé par un contrat de travail.

Autres enjeux

Les TUAC craignent par ailleurs que le projet-pilote de la SAQ n'ouvre la porte à d'autres locations d'espace dans les supermarchés. «Une fruiterie pourrait entrer dans une épicerie, prendre le contrôle du rayon des fruits et légumes avec ses employés. Pour nous, c'est un enjeu. On ne va pas laisser passer ça», dit Tony Filato, qui assure ne pas vouloir «partir une guerre syndicale».

Dans certains commerces, les TUAC ont accepté que les employés des kiosques à sushis ou de la cordonnerie, par exemple, proviennent de l'externe parce que ce travail nécessite une expertise particulière. Mais pour la vente de vin, cet argument ne tient pas, soutient le syndicaliste. «C'est quelque chose qui s'apprend. C'est possible de former le monde. Et mettre des bouteilles sur des tablettes, c'est très facile.»

Dans les quelque 400 épiceries rurales où la SAQ a installé ses agences (kiosques dans lesquels son vin et ses spiritueux sont offerts), tout le travail est effectué par les employés des commerces en question. En revanche, dans son projet-pilote de «véritable succursale» en épicerie, la SAQ loue un espace au détaillant, elle est propriétaire des stocks, elle encaisse les ventes et elle y affecte ses propres employés.

Pour que cette formule puisse fonctionner, Katia Lelièvre est persuadée que la SAQ Express dans le Metro Plus Depatie sera un espace clos. «Ils ne peuvent pas laisser ça ouvert. Il va y avoir une entrée et une sortie. Sinon, les commis de nuit de l'épicerie pourraient y entrer.» Il importe aussi que l'espace se ferme en cas de conflit de travail, fait-elle valoir. Plus tôt cette semaine, la SAQ affirmait ne pas savoir encore si les lieux seraient fermés ou ouverts comme une pharmacie peut l'être dans un Walmart, par exemple.