Trois mois après avoir ouvert son premier magasin au Canada, Target (TGT) trouve que les consommateurs sont trop fidèles à leur supermarché et à leur pharmacie. Car si les vêtements et les articles se vendent très bien, il en va autrement pour la crème glacée, le rince-bouche et les médicaments.

«Nous devons convaincre les clients de faire le tour du magasin pour remplir leur chariot, leur démontrer que nous sommes un one-stop shop», a reconnu le président de Target Canada, Tony Fisher, au congrès annuel du Conseil canadien du commerce de détail (Store 2013) qui se tient à Toronto.

Le dirigeant n'est pas entré dans les détails et n'a fourni aucun chiffre. Mais il a admis qu'il doit encore enseigner aux Canadiens ce qu'est Target. Même si la notoriété de la marque a bondi depuis deux ans, «beaucoup de personnes n'ont jamais magasiné chez nous». Il faut dire que le marketing du détaillant américain, depuis l'annonce de son arrivée au pays, a surtout mis en évidence sa mode à bas prix, ses collections exclusives et ses partenariats avec des designers.

L'an dernier, Target a ouvert un pop-up store (magasin éphémère) à Toronto pour y vendre des vêtements signés Jason Wu, un designer qui compte Michelle Obama parmi ses clientes. Le détaillant a aussi participé à la Semaine de mode de Montréal et créé la Bourse Target pour les créateurs émergents. La lauréate Mélissa Nepton, du Saguenay-Lac-Saint-Jean, est en train de créer une collection exclusive qui sera commercialisée dans les Target du Québec l'automne prochain. Quant aux publicités télévisées de Target, elles évoquaient son style branché sans jamais faire référence aux produits qui y sont vendus.

La circulaire, un outil crucial

Target mise principalement sur sa circulaire afin de créer de l'engouement pour ses catégories moins populaires. «C'est notre outil le plus constant pour communiquer notre offre. C'est crucial», a déclaré Tony Fisher à La Presse Affaires au cours de son premier entretien avec un média francophone depuis qu'il s'est installé au Canada, il y a deux ans.

Ce n'est donc pas un hasard si on retrouve des biscuits Oreo, du fromage, du jus d'orange, du papier hygiénique, du savon à lessive et du dentifrice à la une de l'édition courante de la circulaire. Aucune trace de vêtements; cette liste est exhaustive, et il en va ainsi pendant six pages. Il faut attendre à la page 7 pour découvrir les bermudas et les t-shirts pour enfants. Et le verso regroupe exclusivement des biens qu'on trouve chez Jean Coutu et Pharmaprix.

«Nous avons du succès avec nos produits uniques et différents, avec nos marques privées dans l'épicerie et la pharmacie. Mais la réalité est que les médicaments, l'épicerie et les produits de base peuvent être achetés partout. Il faut donc construire une relation avec nos clients pour répondre autant à leurs besoins qu'à leurs désirs.»

Tony Fisher affirme que «ce n'est pas complètement une surprise». Étant donné son expérience aux États-Unis, il sait que «ce sont des catégories où il est plus difficile de convertir les consommateurs».

Le hic, c'est que la nourriture et les produits de pharmacie sont ceux qui amènent de l'achalandage fréquent en magasin, puisqu'on se procure plus souvent du lait que des pantalons. Le président de Target Canada en est bien conscient. «Nous sommes ravis de pouvoir mettre à profit les outils que nous avons pour continuer de faire croître ces catégories et améliorer leur complémentarité avec nos catégories différenciées comme la mode et la maison.»

Tony Fisher a par ailleurs insisté sur l'expérience de magasinage qu'il veut offrir aux clients. «Nous ne voulons jamais plus d'une personne qui attend à chaque caisse, et ce, tous les jours et à tous les moments de la journée.»

Cet objectif n'est pas sans conséquence sur ses frais d'exploitation. «Nous avons surinvesti en ressources humaines», a admis le dirigeant de 38 ans, précisant que certains magasins étaient équipés de 40 caisses.

Enfin, Target a rapporté que l'ouverture de ses magasins au Canada a eu une incidence sur les ventes de ses magasins américains situés près de la frontière (Buffalo, Detroit, Seattle). En ce qui concerne les écarts de prix entre les deux pays, le conférencier a rappelé que sa promesse était d'être «compétitif sur le marché canadien», tout en affirmant que des milliers d'articles étaient offerts à parité et qu'il comprenait «la préoccupation des Canadiens».