Johannes Kau est le frère de Mélanie Kau, ancienne présidente de Mobilia, et le fils de Hans Kau, fondateur de l'entreprise de meubles. Il ne s'en cache pas: quand est venu le temps de trouver un autre dirigeant pour Mobilia, il a avoué ne pas se sentir prêt à prendre les rênes. «Même si je connaissais l'entreprise très bien, deux facteurs faisaient en sorte que je ne me sentais pas totalement à l'aise, affirme-t-il. Je revenais de Toronto. Je voulais apprendre à connaître l'équipe de Montréal. Je voulais qu'on s'apprivoise de part et d'autre.»

Ces confidences ont été faites lors d'une entrevue donnée au Congrès international francophone en ressources humaines, jeudi dernier, à Montréal. Avec sa soeur, Johannes Kau a convenu de se tourner vers l'extérieur pour trouver un dirigeant. Après un long processus de recrutement, de définition des tâches et des aspirations de l'entreprise, Mobilia a ouvert ses bras à Danièle Bergeron (Holt Rrenfrew, Jacob). «La pression pour diriger est assez grande, raconte Mélanie Kau. Il faut se donner le temps nécessaire pour assurer la transition. Or, dans une entreprise familiale, c'est difficile d'admettre qu'il faut prendre le temps d'améliorer les compétences des dirigeants.»

Johannes et Mélanie ne voulaient pas répéter l'expérience de transition vécue par cette dernière lorsqu'elle a pris la relève de son père en 1995. «Ça s'est passé assez vite et j'ai rapidement vu qu'il y avait des piranhas!», lance Mélanie Kau.

«On a eu la possibilité, pour la prochaine transition, de dire: que peut-on éviter? Comment faire autrement?», résume Johannes Kau.

Danièle Bergeron est ainsi entrée en poste en octobre 2011. «Avant que je ne sois engagée, Mélanie et Johannes ont tracé le profil de leurs talents de leader, explique-t-elle. Pour voir où étaient leurs forces et leurs faiblesses. Ils ont fait un exercice rigoureux qui leur a demandé beaucoup d'humilité et de transparence.»

Danièle Bergeron restera à la présidence un minimum de trois ans. «C'est temporaire, mais je ne voulais pas être un accessoire décoratif! dit-elle. J'ai donc un mandat de mentorat et de développement d'entreprise.»

La présidente salue l'initiative de la famille Kau. «Ça lui demande d'être impliquée, remarque-t-elle. De faire confiance à un étranger. Ce n'est pas tous les entrepreneurs qui laissent le champ libre à un étranger qui va peut-être faire les choses différemment.»

«On voit de plus en plus de gestion interne-externe, souligne toutefois Colette Vanasse, directrice du Centre international des familles en affaires HEC Montréal. Il y a 10 ou 15 ans, tout restait dans la famille. Aujourd'hui, c'est le cas de moins de 15% des entreprises familiales. Cela dit, l'actionnariat reste dans la famille.»

Au Québec, Première Moisson et Aldo fonctionnent à la façon de Mobilia. «Le dirigeant choisi doit comprendre les valeurs de la famille, dit Colette Vanasse. Les rôles doivent être bien définis. Mais c'est très bon pour l'entreprise, car ça amène une expertise que la relève n'a pas.»