Plusieurs marchands Rona (T.RON) du «rest of Canada» lancent un cri du coeur, trois semaines après la proposition de rachat non sollicitée du groupe américain Lowe's (LOW). Le quincaillier est canadien, et il doit le rester, disent-ils en somme.

«On est confiant de gagner cette bataille contre Lowe's, a lancé à La Presse Affaires Michael Allen, propriétaire d'un commerce affilié à Rona à North Vancouver. Nous sommes fiers d'être Canadiens, de faire partie du réseau Rona et de soutenir nos fournisseurs locaux.»

La proposition de Lowe's de racheter les 800 magasins canadiens de Rona - dont 400 sont des indépendants affiliés - a été reçue avec une levée de boucliers au Québec à la fin juillet. Le ministre des Finances a dit qu'il fera tout son possible pour bloquer cette transaction, une réaction qui a été très critiquée par la presse d'affaires torontoise.

Quoi qu'il en soit, les marchands affiliés à Rona au Canada anglais démontrent eux aussi un véritable attachement à la marque. Une marque qu'ils considèrent d'abord et avant tout comme canadienne.

«Je ne vois pas du tout Rona comme une marque québécoise, a fait valoir Michael Allen. C'est une marque nationale. On commandite des athlètes aux Jeux olympiques, la ligue canadienne de Football, les commandites de Flames de Calgary, des Canucks de Vancouver, même les Maple Leafs de Toronto! On est présent partout au pays, d'un océan à l'autre.»

Dans un geste d'unité, plus de 160 marchands affiliés et franchisés ont envoyé hier une lettre au président du groupe américain Lowe's. De façon ferme, mais polie, ces commerçants du Québec et du Canada anglais ont dit «non merci» à l'offre de 1,8 milliard de dollars formulée par le groupe de Caroline-du-Nord.

«Ce qui rend Rona unique, c'est son réseau de plus de 400 marchands indépendants: nous, ont-ils écrit. Chacun de nous est personnellement et fièrement propriétaire de ces quincailleries qui offrent à leurs clients une expérience humaine dans leurs communautés respectives aux quatre coins du Canada, dans certains cas depuis quelques générations.»

Clients inquiets

Robbie McKay, de Black Diamond, en Alberta, a changé la bannière de sa quincaillerie il y a huit ans pour s'affilier à Rona. «Je les ai choisis, car je voulais une image nationale pour mon magasin, je voulais un marketing national et des produits canadiens. Ç'a été une très bonne décision de ma part: mes ventes ont beaucoup augmenté.»

Depuis que Lowe's a fait connaître ses intentions, plusieurs clients se sont montrés inquiets de voir un groupe américain avaler Rona, dit Robbie McKay. «Il y a des gens qui viennent ici exclusivement parce que nous sommes une société canadienne.»

Un discours partagé par Colin McGillivray, copropriétaire d'un magasin affilié à Rona à Elora, en Ontario.

«Il semble y avoir une tendance voulant que les Américains rachètent toutes nos entreprises, a-t-il déploré à La Presse Affaires. On a des clients inquiets que cette transaction soit dans les plans: ils veulent soutenir une entreprise canadienne et acheter des produits canadiens.»

À l'heure actuelle, les différents fournisseurs de Rona emploient 80 000 personnes au Canada, sans compter les 30 000 travailleurs au sein du groupe. Rona dit acheter 85% de sa marchandise auprès d'entreprises canadiennes (dont la moitié au Québec), pour un total de 3,3 milliards de dollars par année.

Audrey Archambault, dont la famille a investi 10 millions pour agrandir son magasin Rona à Saint-Jean-sur-Richelieu, s'inquiète justement de l'impact d'un rachat par Lowe's sur les fournisseurs locaux. «J'espère qu'ils vont peser les pour et les contre pour voir tous les impacts que ça pourrait avoir au Canada», a dit la jeune entrepreneure.

Les dirigeants de Rona ont rejeté avec fermeté la proposition non sollicitée de Lowe's il y a trois semaines. Des commentaires tenus cette semaine par le grand patron du groupe américain laissent par ailleurs penser que l'intérêt de Lowe's pour Rona pourrait avoir décliné depuis, en raison de ses propres résultats décevants aux États-Unis.

«Une transaction n'est pas imminente. Même si nous pouvions y arriver, l'opération ne serait pas conclue avant 2013», a affirmé lundi le chef de la direction de Lowe's, Bob Niblock, lors d'une conférence téléphonique.

Les porte-parole de Lowe's n'ont pas rappelé La Presse Affaires hier pour commenter la lettre des marchands affiliés.