Avec le dollar canadien solidement installé près de la parité, vaut-il la peine de faire ses achats de Noël au sud de la frontière? Vêtements, jouets, appareils électroniques, aliments: La Presse Affaires s'est lancée à la chasse aux aubaines.

Pour la dinde et certains jouets oui, mais pas pour la XBox 3604G ni l'iPad 2 ni le DVD 3D des Schtroumpfs tant désirés! Le temps des Fêtes voit bien des Québécois traverser la frontière américaine pour se procurer cadeaux de Noël et victuailles pour le réveillon. Si certains accessoires de robinetterie s'avèrent un achat judicieux aux États-Unis, les prix de d'autres biens ressemblent à s'y méprendre à ceux d'ici.

Les plaques «Je me souviens» dans le stationnement du Champlain Center, les couples qui discutent en français au rayon des jouets de Target ou dans la boutique de dessous féminins Victoria's Secret rappellent que Plattsburgh n'est pas très loin de Montréal.

À quelques jours de Noël, plusieurs Québécois franchissent encore en voiture la frontière à Lacolle pour faire leurs emplettes. Un trajet de 90 minutes pour qui réside à Montréal. «En général, il y a plus de choix et c'est moins cher ici, soutient Barbara Setlakwe, Lavalloise qui traverse la frontière plusieurs fois par année avec sa belle-soeur pour magasiner... et économiser. Quand je viens aux États-Unis, je dis toujours God Bless America!»

À Burlington, elle met le cap sur Marshalls «pour des deals sur les souliers, les bottes et les sandales». À Plattsburgh, sur Victoria's Secret, une chaîne qu'on ne trouve pas dans la province, et Target notamment. «J'ai hâte que Target arrive au Québec, dit-elle. J'y ai acheté tous mes cadeaux pour mes petits-enfants cette année.

«J'ai un proche qui fait régulièrement son épicerie aux États-Unis et qui achète des vêtements pour ses enfants, ajoute Barbara Setlakwe. Il économise beaucoup d'argent.»

Le dollar étant encore presque à parité (environ 0,97$), beaucoup de décorations de Noël, pneus, jouets, consoles vidéo, vêtements, chaussures, télévision, iPad et téléphones intelligents ont immigré au Québec ces dernières semaines! «La différence du prix des pneus a fait l'objet d'une certaine couverture médiatique et ça influence les gens», note Dominique McNeely, porte-parole de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).

Avis à ceux qui ont demandé au père Noël un iPad2: la tablette est sensiblement le même prix des deux côtés de la frontière. Mais une visite de La Presse Affaires à Plattsburgh, la semaine dernière, confirme une différence de prix sur plusieurs articles entre le Québec et l'État de New York. L'installation Treat Shop pour poupées Littlest Pet Shop se détaille à meilleur prix chez Target que chez Toys R Us. Votre dinde de Noël est aussi plus économique lorsqu'elle est choisie chez Price Chopper plutôt que chez Costco (voir tableau). «Ce n'est pas que les détaillants ajustent leurs prix le matin, souligne Jacques Marcil, économiste principal de la Banque TD. C'est qu'on est en présence de deux marchés différents. Au Canada, comme le marché est plus petit, un détaillant ne peut avoir de prix aussi réduits. Il y a moins d'économie d'échelle, moins de concurrence ici, moins de grandes chaînes, donc plus de rareté. Et les producteurs américains n'ont pas nécessairement le même pourcentage de profits.»

La situation économique, meilleure au Canada, joue aussi contre ses résidants... «La croissance de la demande au pays est plus forte, plus solide, explique Jacques Marcil. Alors que les Américains rebondissent lentement.»

Le marché plus fragmenté de ce côté-ci de la frontière augmente, par ailleurs, les coûts de distribution. «On ajoute aussi des intermédiaires quand un produit traverse la frontière, poursuit Jacques Marcil. Les marchands de gros au Canada et les gens qui font de l'entreposage prennent de petites marges additionnelles. Les courtiers qui s'assurent que la marchandise traverse la frontière prennent aussi un pourcentage sur les frais de douane.»

Crie-t-on victoire lorsqu'on s'achète un réfrigérateur à vins à 1799$US qui se détaille 2100$ chez Sears? Car il faut, en plus, tenir compte du taux de change, de la TVQ et la TPS à payer en franchissant la frontière canadienne au retour et d'un plein d'essence à faire quand on part de Montréal.

Sur la marchandise Made in USA ou Hecha en Mexico, le consommateur ne paiera que la TPS et la TVQ. «Mais si un morceau de linge est fabriqué dans un pays d'Asie, il devra payer de 16% à 18% en droits de douane en plus des taxes canadienne et provinciale», explique Dominique McNeely.

Pour les livres, comme la bio de Steve Jobs par Walter Isaacson, il n'y a que la TPS qui s'appliquera. Pour le vin et les spiritueux déclarés, les taxes bondiront respectivement à 80% et 200%!

Le jeu en vaut la chandelle quand on achète beaucoup ou que les rabais sont de l'ordre de 50%, comme ce qui s'applique aux matériaux de rénovation et aux pneus. Au printemps dernier, alors qu'il planifiait la rénovation de sa salle de bains et sa cuisine, Dominique Côté a acheté des accessoires de robinetterie sur des sites de plomberie américains. Montant de la facture: environ 5000$. «On y vendait les mêmes produits qu'ici à demi-prix, livrés gratuitement en plus, souligne-t-il. J'ai un ami qui venait de déménager dans le Vermont, à 90 minutes de Montréal. Je suis allé chercher les produits chez lui un samedi.»

Une bonne affaire? «Il faut savoir ce qu'on achète, répond Dominique Côté. Et la plomberie, c'est assez spécialisé. Je m'étais trompé avec une valve thermostatique pour la douche. J'ai dû en racheter une autre, mais pas aux États-Unis. Cela dit, je me suis permis de la robinetterie de luxe que je ne me serais pas achetée autrement.»

Outre le fait de déclarer vos achats aux douaniers canadiens, l'ASFC a un autre conseil à donner aux acheteurs de cadeaux de Noël. «Ne les faites pas emballer, dit Dominique McNeely. Car les cadeaux font l'objet d'une vérification.»