Au lieu de chercher à battre ses rivaux en termes de superficie et de longévité, le promoteur d'un centre d'achats londonien a préféré voir petit et à court terme. Avec son design industriel et sa date d'expiration prévue pour 2016, Boxpark fait sonner les caisses de ses détaillants.    

Samedi après-midi, dans le quartier est-londonien de Shoreditch. Tuques et grosses lunettes bien en vue, des hipsters dévalisent des conteneurs noirs. Ils en ressortent les bras remplis d'espadrilles Puma, de manteaux North Face... et de friandises.

De nouvelles émeutes? Pas au sens propre du terme. Des fashionistas ont accouru le 3 décembre dernier à l'ouverture de Boxpark, le premier centre commercial éphémère au monde.

Le concept est d'une simplicité désarmante. Des détaillants, indépendants et internationaux, emménagent dans une soixantaine de conteneurs recyclés pour une durée de cinq ans. À l'expiration des baux, la marchandise est remballée et Boxpark disparaît sans laisser de trace.

L'idée a germé dans l'esprit de l'entrepreneur Roger Wade en longeant chaque jour le terrain qui jouxte la station Shoreditch High Street, vacant depuis 40 ans. «Je trouvais dommage de voir ce bel espace à l'abandon», dit-il à La Presse.

Avec ses boîtes métalliques, 40 au rez-de-chaussée et 20 au premier étage, il propose un projet clé en main aux propriétaires fonciers, Hammerson et Ballymore.

La rumeur sur le premier centre d'achats éclair a été si favorable que de grandes marques, comme Calvin Klein et Nike, se sont disputées les caisses, louées à 40 000 dollars canadiens l'unité par année, avant même leur livraison.

Pour les griffes émergentes, c'était l'occasion de se démarquer sur le marché britannique, et en particulier auprès de la faune influente et branchée du quartier Shoreditch, l'équivalent londonien du Meatpacking district à New York.

«On cherchait quelque chose de différent pour notre première présence en Angleterre. Le premier centre d'achats pop up, c'est un concept cool qui nous sied bien», dit Ole Fjelberg, porte-parole d'OnePiece, une sorte d'American Apparel norvégien qui fait fureur en Europe.

Les conteneurs de Boxpark voyageront bientôt aux quatre coins de l'Europe. Roger Wade s'est allié au géant immobilier Corio pour ouvrir d'autres franchises sur le continent. Prochaine destination: Amsterdam en 2012.

Mode et récession

L'anti-centre d'achats récupère la tendance pop up, qui fait rage depuis trois ans dans la capitale.

Tout a commencé en 2009, lorsque des cordons-bleus londoniens ont commencé à attirer dans leur maison de parfaits inconnus pour des soirées gastronomiques.

Intrigués par la popularité de ces restaurants clandestins, des chefs vedettes, dont le triple-étoilé Pierre Koffmann et Nuno Mendes, ont occupé à leur tour des espaces inusités (le dernier étage du magasin Selfridges, un loft) pour une durée limitée.

«On ne veut pas rater les événements pop up justement parce qu'ils sont éphémères, explique Victoria Stewart, journaliste au quotidien londonien Evening Standard. Les Londoniens aiment se sentir dans le coup.»

Des galeristes et des petits commerçants ont saisi l'occasion. Avec la récession, ils étaient soudain en mesure de dicter leurs règles aux propriétaires de locaux vacants, dont la proportion actuelle est de 6,5% contre 2% en janvier 2009.

Bonnie Stowell a ainsi fait l'essai de sa première boutique pendant trois mois dans le chic quartier de Chelsea, question de tâter le marché.

«C'était moins risqué que de s'engager à long terme», explique la propriétaire de Willow Beauty.

La formule ne plaît toutefois pas à tous les marchands. «Si nos affaires vont bien, ce sera dommage de devoir fermer», dit Georgina Dawson, dont le café Foxcroft & Ginger était bondé au jour de lancement de Boxpark.

Mais les locataires de Roger Wade n'auront pas le choix de plier bagage. Un édifice à bureaux de 58 000 mètres carrés, évalué à 780 millions de dollars canadiens, remplacera les boîtes noires dès 2017.