Une vague de nouveaux emplois a fait chuter en novembre le taux de chômage canadien à son plus bas niveau depuis que Statistique Canada a commencé à compiler des données comparables, il y a plus de 40 ans. Mais malgré des progrès remarquables, les chiffres de vendredi ont également généré certaines déceptions.

L'économie canadienne a créé 94 100 emplois nets, soit la plus forte augmentation mensuelle depuis mars 2012, alors que 94 000 emplois avaient été créés, a révélé Statistique Canada dans son enquête mensuelle sur la population active. L'augmentation de novembre a été alimentée par d'autres facteurs positifs : l'arrivée de 89 900 postes à temps plein et de 78 600 emplois salariés dans le secteur privé.

Le taux de chômage a reculé à 5,6 % le mois dernier, contre 5,8 % en octobre, ce qui était son plus bas niveau depuis que des données comparables ont commencé à être colligées, en 1976. L'ancienne approche statistique - avant 1976 - a enregistré un taux de chômage de 5,4 % en 1974.

Les améliorations ont toutefois masqué une donnée essentielle : l'affaiblissement de la croissance des salaires.

La croissance du salaire horaire moyen des employés permanents d'une année à l'autre a poursuivi son déclin en novembre, atteignant 1,46 %, son niveau le plus bas depuis juillet 2017.

« Il ne fait aucun doute que la croissance de l'emploi, telle qu'évoquée dans les manchettes, est très solide », a affirmé Frances Donald, responsable de la stratégie macroéconomique chez Gestion d'actifs Manuvie.

« Je vous conseille toutefois de ne pas célébrer trop vite, car la croissance des salaires ralentit fortement », a-t-elle nuancé.

Les experts s'attendaient à ce que la croissance des salaires s'accélère, grâce au resserrement du marché du travail. Cependant, le contraire s'est produit : la croissance des salaires a chuté chaque mois depuis l'atteinte d'un sommet de 3,9 % en mai, et elle se situe désormais bien en deçà de l'inflation.

La Banque du Canada surveille de près les salaires avant de prendre ses décisions en matière de taux d'intérêt.

La banque centrale a relevé son taux d'intérêt directeur à cinq reprises depuis l'été 2017 en réponse à la forte performance économique du Canada. Le gouverneur Stephen Poloz a déjà indiqué que d'autres augmentations seraient nécessaires pour empêcher l'inflation de grimper trop haut.

Mercredi, toutefois, M. Poloz a maintenu le taux de référence à 1,75 %. En expliquant cette décision, il a évoqué d'autres aspects économiques négatifs, tels que la faiblesse des investissements des entreprises et la forte baisse des prix du pétrole.

La prochaine annonce de taux de la banque aura lieu le 9 janvier.

Hausse des salaires inférieure à l'inflation

Mme Donald s'attend à ce que la banque centrale continue à se concentrer sur le prix du pétrole, la capacité du secteur de l'énergie à investir dans les entreprises et la capacité des Canadiens - dont plusieurs sont très endettés - de gérer des taux d'intérêt plus élevés.

« Les Canadiens ont besoin d'une croissance salariale plus importante pour contrebalancer la hausse des taux d'intérêt », a-t-elle souligné.

« Si nous constatons une croissance des salaires qui ne peut même pas suivre le rythme de l'inflation, il devient beaucoup plus difficile pour les ménages d'absorber le désir de la Banque du Canada de relever les taux à partir de maintenant. »

M. Poloz, a-t-elle ajouté, sera plus préoccupé par la poursuite du ralentissement des salaires dans le rapport de vendredi que par l'optimisme quant au gain d'ensemble de l'emploi, d'autant plus que cela pourrait affecter le rythme auquel il augmentera les taux.

Royce Mendes, du service d'études économiques de la Banque CIBC, a estimé que la Banque du Canada tiendrait compte du rapport sur l'emploi de novembre, en réfléchissant à la décision de taux du mois prochain.

« La forte augmentation de l'emploi maintiendra la hausse attendue du taux de janvier sur la table pour le moment, mais nous aurons besoin de voir des preuves similaires aussi positives provenant d'autres indicateurs, et aucun renversement important dans le prochain rapport sur l'emploi », a écrit M. Mendes dans une note de recherche à ses clients.

Le rapport de Statistique Canada publié vendredi indique également que, par rapport à novembre 2017, l'emploi a augmenté de 1,2 % grâce à la création nette de 218 800 emplois. L'ajout de 227 400 postes à temps plein a contrebalancé une légère diminution du travail à temps partiel.

Le rapport sur les emplois de novembre a montré que le secteur de la production de biens a créé 26 900 emplois, après un gain notable de 14 800 postes dans le secteur de la construction. Le secteur des services a généré 67 200 emplois le mois dernier grâce à l'ajout de 26 000 postes dans les services professionnels, scientifiques et techniques.

Par région, l'emploi a progressé dans six provinces, principalement au Québec et en Alberta. Au Québec, malgré la création de 25 800 emplois, le taux de chômage a avancé de 0,2 point à 5,4 %.