Le dirigeant du plus important syndicat de travailleurs de l'automobile au Canada souhaite que le premier ministre Justin Trudeau soit aussi ferme avec General Motors que l'a été le président américain Donald Trump cette semaine.

Le président d'Unifor, Jerry Dias, a également exhorté les deux hommes à ne pas signer le nouvel accord commercial entre les États-Unis, le Mexique et le Canada, et à faire front commun pour imposer des droits de douane de 40 % sur les véhicules GM construits au Mexique.

M. Dias souhaite que le constructeur renonce à supprimer plus de 14 000 emplois aux États-Unis et au Canada, dont 2500 à l'usine d'Oshawa, en Ontario. Il était à Washington mercredi pour rencontrer des responsables afin de discuter de la suite des choses. Selon lui, il est temps que le Canada et les États-Unis unissent leurs efforts et maintiennent un front uni contre l'entreprise, qui supprime également 3300 emplois sur les chaînes de montage américaines. Près de 8100 employés des services administratifs devraient accepter une indemnité de départ volontaire, et d'autres seront remerciés.

Pour le syndicaliste, il est clair que GM délocalise ses activités de fabrication à l'extérieur du Canada et des États-Unis, et que les pertes d'emplois se poursuivront si les deux gouvernements n'imposent pas des tarifs douaniers sur les exportations étrangères - nommément du Mexique et de la Chine.

M. Trump a déjà averti GM que la Maison-Blanche retirerait toutes les subventions américaines si le constructeur ne renonçait pas aux coupes annoncées, mais le président n'a pas fourni beaucoup de détails sur ces mesures de rétorsion.

Selon M. Dias, le nouvel accord commercial entre les États-Unis, le Canada et le Mexique (AEUMC), qui doit être signé par les trois partenaires cette semaine lors du sommet du G20 en Argentine, pourrait être compromis par ces coupes massives chez GM.

« Je pense que le Canada et les États-Unis devraient appliquer les freins immédiatement », a déclaré le président d'Unifor à son arrivée à l'ambassade du Canada à Washington, mercredi. « L'encre n'est même pas sèche et General Motors a déjà violé complètement ce que nous essayons d'accomplir. Je pense donc que le Canada et les États-Unis devraient dire à General Motors : "Écoutez, vous retardez la signature de cette entente, vous en portez le poids. C'est vous qui retardez tout le processus. " »

Délocalisations au Mexique

Outre la fermeture de l'usine d'Oshawa, les réductions annoncées par GM impliquent la fin de la production dans quatre autres usines aux États-Unis, notamment en Ohio et au Michigan, dans un Midwest qui a voté Trump. GM prévoit de supprimer 3300 emplois dans le secteur de la production au sud de la frontière, et de supprimer 8000 emplois salariés dans les services administratifs, ce qui représente une économie de 6 milliards US d'ici 2020.

M. Dias estime que GM souhaite résolument délocaliser ses activités de fabrication, notamment au Mexique et en Chine, ce qui signifie que les pertes d'emplois se poursuivront à moins que le Canada et les États-Unis n'augmentent la pression, selon lui.

Le syndicaliste estime que l'imposition d'importants tarifs douaniers sur les produits mexicains « attirerait immédiatement leur attention » - même si cette position peut sembler contradictoire, puisque le syndicat lutte contre les tarifs douaniers imposés par la Maison-Blanche sur l'acier et l'aluminium.

« Cela peut sembler audacieux, musclé, contre-productif, admet-il, mais nous avons affaire à une entreprise qui s'en fiche éperdument. Ils ont regardé (les négociations sur l'AEUMC) se dérouler, ils ont écouté pendant 15 mois et aujourd'hui, ils s'en moquent. Tout tourne autour de leurs actionnaires, du conseil d'administration : ça n'a rien à voir avec les gens. »

Flavio Volpe, président de l'Association canadienne des fabricants de pièces d'automobile, comprend les frustrations du leader syndical. Mais il croit que le Canada commettrait une grave erreur en empruntant l'attitude intransigeante du président Trump, à l'heure où Ottawa tente justement de négocier sa propre sortie de crise sur les exportations d'acier et d'aluminium.

« Vous ne pouvez pas espérer profiter des avantages de l'AEUMC en luttant simultanément contre des tarifs et en approuvant d'autres tarifs qui visent en particulier une entreprise », a déclaré M. Volpe en entrevue. « Jerry (Dias) est un joueur très important et positif dans la lutte pour le secteur automobile canadien, mais cette idée de tarifs douaniers est mauvaise. »

« Make America Great Again »

La victoire du président Trump aux élections de 2016 a été remportée en grande partie grâce à une base de cols bleus dans le Midwest, qui ont été séduits par sa promesse de ramener des emplois dans le secteur manufacturier américain, durement touché. Il a menacé mardi de retirer son soutien à GM si l'entreprise ne revenait pas sur sa décision.

M. Trump en a rajouté mercredi en affirmant que les coupes annoncées par GM avaient ranimé l'idée d'imposer des tarifs douaniers sur les importations de véhicules automobiles. « Le président dispose d'un important pouvoir en cette matière », a écrit le président sur Twitter. « À cause de l'affaire GM, c'est à l'étude présentement ! »

General Motors a expliqué lundi que les coupes annoncées faisaient partie d'un important virage destiné à positionner l'entreprise face à la domination future des véhicules électriques et autonomes.

Pour le syndicaliste Dias, rien n'empêche que ce travail se fasse aussi au Canada. « On ne parle pas de transformer des voitures en vaisseaux spatiaux ! C'est toujours une voiture ; c'est exactement la même voiture, elle intègre simplement une technologie différente », a-t-il estimé.

L'entreprise a d'ailleurs ouvert un centre de recherche de haute technologie l'an dernier à Markham, en Ontario, non loin de l'usine d'Oshawa, ajoute M. Dias. « Ils peuvent certainement y développer cette technologie puis l'appliquer dans une voiture qu'ils assembleront cinq milles plus loin. »