Le ministre des Finances défend sa stratégie d'inciter les entreprises à investir pour l'avenir.

Le ministre des Finances, Bill Morneau, estime que les mesures fiscales destinées aux entreprises contenues dans l'énoncé économique qu'il a présenté mercredi rapporteront de meilleurs dividendes pour l'économie canadienne qu'une autre réduction du taux d'imposition des sociétés.

Alors que certains plaidaient pour que le gouvernement Trudeau emboîte le pas à l'administration de Donald Trump, qui a réduit de façon marquée le taux d'imposition des entreprises aux États-Unis, le ministre Morneau a opté pour une autre recette : consentir aux manufacturiers et aux transformateurs le droit de déduire de leurs revenus, dès la première année de mise en service, la totalité des sommes qu'ils investissent dans la modernisation de leur machinerie.

Cette mesure, qui s'appliquera aussi à l'achat de matériel pour la production d'énergie propre et qui permettra de maintenir un environnement d'affaires concurrentiel sur le continent nord-américain, selon lui, coûtera plus de 14 milliards de dollars sur cinq ans - dont 4,8 milliards dès 2019 - au trésor fédéral.

ÉVITER LE « DEAD MONEY »

Dans une entrevue accordée à La Presse, le ministre Morneau a indiqué qu'il importait avant tout que les mesures fiscales déployées par Ottawa aient un impact sur l'investissement au pays et sur la compétitivité des entreprises. Surtout, il tenait à éviter de contribuer au phénomène décrié dans le passé, celui du « dead money », ces baisses d'impôt consenties aux sociétés durant le règne des conservateurs qui n'ont pas été utilisées pour réinvestir dans l'économie et créer des emplois, comme on le souhaitait, mais pour mieux garnir les coffres des grandes entreprises.

L'ancien gouverneur de la Banque du Canada Mark Carney évaluait à plus de 500 milliards de dollars les sommes qui dormaient ainsi dans les coffres des grandes sociétés. M. Carney avait d'ailleurs fait des remontrances à ce sujet aux dirigeants des sociétés dans un discours percutant devant les Travailleurs canadiens de l'automobile en août 2012. Plus tard, l'ancien ministre des Finances du gouvernement Harper, le regretté Jim Flaherty, avait aussi montré des signes d'irritation envers les sociétés pour les mêmes raisons.

« La seule façon d'avoir un bon effet sur l'économie, c'est si on les encourage à utiliser leur argent pour faire des investissements. C'est la meilleure façon de gagner. Ça aide l'économie, c'est bon pour les investissements et pour les emplois. Donc, c'est notre approche. Et c'est une approche qui répond aux questions de savoir comment on peut s'assurer que les entreprises ne gardent pas leur argent, comme ç'a été le cas la dernière fois. »

- Le ministre des Finances, Bill Morneau

UN RÉGIME FISCAL ATTRAYANT

Ce choix fiscal, dénoncé à la fois par les conservateurs et par les néo-démocrates pour des raisons opposées, permet aussi de maintenir l'attrait du régime fiscal canadien, selon Bill Morneau. Le ministère des Finances calcule d'ailleurs qu'en permettant un amortissement quasi immédiat, les nouveaux investissements des entreprises seraient imposés au taux effectif marginal le plus bas de tous les pays du G7, soit 13,8 %.

« Notre régime fiscal est compétitif avec celui des États-Unis. Maintenant nous créons un avantage de 5 % grâce à nos investissements [liés à l'amortissement des coûts d'achat d'équipements] », a dit M. Morneau, en soulignant aussi que le taux des petites et moyennes entreprises passera de 10 % à 9 % à compter du 1er janvier.

Les mesures annoncées par le ministre mercredi ont été généralement bien accueillies par le milieu des affaires.

PRÊT POUR UNE ÉVENTUELLE TEMPÊTE

Dans son énoncé économique, le ministre ne prévoit toujours pas de calendrier de retour à l'équilibre budgétaire. En entrevue, Bill Morneau rejette l'idée que le gouvernement Trudeau est aux prises avec un déficit structurel.

« On doit toujours être responsable au niveau fiscal. Notre niveau de dette, par rapport à la taille de l'économie, en ce moment, est vraiment différent que la situation qui prévalait durant les années Chrétien-Martin. Il y a une grande différence. Ils ont eu un grand défi pour assurer l'avenir. Mais nous sommes dans une meilleure situation aujourd'hui parmi tous nos alliés. C'est très important », a-t-il affirmé.

Il a aussi dit que les finances du gouvernement sont suffisamment solides pour affronter les tempêtes économiques qui pourraient sévir, y compris une récession.

« Si l'économie canadienne se retrouve dans une bonne position aujourd'hui, est-ce que l'on doit arrêter nos investissements ? C'est une fausse proposition. Oui, nous sommes dans une bonne position maintenant parce que nos investissements ont fait le travail. Nous avons un niveau de croissance qui est bon, le taux de chômage est très bas, les salaires sont en hausse. Mais nous voulons des investissements pour demain aussi. Cela veut dire que les investissements qui vont commencer à l'été 2019 vont donner des résultats pour les 10 prochaines années. Un investissement prend du temps à faire ses effets. C'est ce que nous faisons en ce moment. »