Les négociateurs envoyés par Washington à Montréal pour la sixième ronde de négociations de l'ALENA n'avaient toujours pas fléchi par rapport à leurs demandes musclées, jeudi après-midi, au même moment où Donald Trump a encore une fois évoqué la possibilité de déchirer l'entente.

En entrevue à la chaîne CNBC en marge du Forum économique de Davos, le président américain a soufflé le chaud et le froid sur le processus de renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain. Il a affirmé que l'entente avait «de bonnes chances» d'être renégociée, ajoutant qu'«on verra ce qui va se passer».

Le président Trump a dénoncé un déficit commercial de 71 milliards de dollars avec le Mexique, de même qu'un déficit «considérable» avec le Canada qu'il a toutefois été incapable de chiffrer. Il a qualifié l'ALENA d'entente «terrible», d'où la renégociation qu'il a imposée à ses partenaires depuis l'été dernier.

Inflexibilité

À Montréal, au moins trois sources ont confirmé à l'agence Reuters l'absence marquée de progrès jusqu'à maintenant aux tables de négociation. Une source près des pourparlers a aussi confirmé à La Presse l'inflexibilité des négociateurs américains, qui participent depuis trois jours à la sixième ronde de négociation de l'ALENA.

Le négociateur en chef du Canada, Steve Verheul, a adopté un ton prudent pour décrire l'ambiance des négociations pendant une brève mêlée de presse jeudi après-midi à l'Hôtel Bonaventure.

«L'ambiance est raisonnablement constructive; nous parlons des enjeux moins controversés en ce moment», a-t-il déclaré.

Un test

Le Canada estime que la ronde montréalaise des négociations de l'ALENA constituera un véritable test afin de déterminer le degré de sérieux des Américains à négocier - ou pas - une nouvelle entente avec ses partenaires.

Une source de La Presse, très proche des discussions, a fait part d'une bonne dose de «frustration» jusqu'à maintenant aux tables de négociation. Les prochains jours seront «déterminants» pour jauger si la signature d'un nouvel accord est possible, ajoute-t-elle.

Pas de surprise

Selon nos informations, l'équipe de négociateurs canadiens - composée de quelque 200 bureaucrates - n'est pas du tout étonnée de la fermeté démontrée jusqu'à maintenant par les Américains.  

Les négociateurs américains sont expérimentés et bien connus par les délégués canadiens. Plusieurs ont négocié d'autres ententes commerciales sous les gouvernements précédents, dont celui du démocrate Barack Obama, en partenariat avec leurs homologues canadiens.

Or, souligne-t-on, les négociateurs américains n'ont pas les coudées aussi franches que lors de précédentes négociations. La Maison-Blanche de Donald Trump a tracé des lignes très précises à ne pas franchir, ce qui limite grandement leur capacité d'action à la trentaine de tables de négociations qui se tiennent cette semaine à Montréal.

Avancées

Le Canada estime néanmoins avoir réalisé une avancée en déposant depuis mercredi des contre-propositions, avec le Mexique, à certaines des demandes les plus corsées des Américains.

Les négociateurs canadiens ont proposé des solutions dites «créatives» sur la question des règles d'origine dans l'industrie automobile, et sur les mécanismes de règlements des différends, que Washington souhaite voir disparaître.

Steve Verheul s'est montré prudent en décrivant la façon dont les négociations américaines ont accueilli les propositions canadiennes sur le secteur automobile, qui se sont déroulées mercredi. «On pense que ça a été raisonnablement bien. Il y a encore beaucoup de réflexion à faire, beaucoup de discussions à y avoir.»

Davantage d'action

Le niveau d'action devrait augmenter graduellement à l'Hôtel Bonaventure à partir de jeudi, alors que davantage d'élus et de lobbyistes des États-Unis et du Mexique sont attendus à dans la métropole.

Plusieurs élus du Congrès américain, dont les membres de l'influent Comité des voies et moyens sont notamment attendus à Montréal, rapporte le site iPolitics. Ils prendront part à une table ronde samedi.

Justin Trudeau avait rencontré les membres de ce comité à Washington en octobre dernier pour discuter de l'ALENA, en marge de sa rencontre avec Donald Trump.

La sixième ronde de pourparlers connaîtra son grand dénouement lundi, avec la présence à Montréal de la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland et de ses homologues mexicains et américains.

Présente au Forum économique de Davos, Mme Freeland a tenté de se montrer rassurante quant aux chances de succès de la présente négociation. Elle a minimisé les attentes en rappelant que personne ne s'attendait à la signature d'une entente cette semaine à Montréal.

Deux autres rondes de pourparlers sont prévues d'ici l'échéancier du mois de mars, fixé par Washington. Donald Trump s'est récemment montré ouvert à une extension de ce délai, et la plupart des analystes ne s'attendent pas à la conclusion d'un éventuel accord avant au moins 2019.

Trudeau à Davos

Justin Trudeau, qui terminait jeudi son séjour à Davos, a profité d'une conférence de presse donnée jeudi matin pour faire un ultime plaidoyer en faveur de l'ALENA.

Il a confiance que les trois partenaires puissent trouver un accord «gagnant-gagnant-gagnant» au terme de leurs négociations.