Le gouvernement fédéral multiplie les accords commerciaux avec d'autres pays, mais il demeure incapable d'établir une véritable zone de libre-échange entre les provinces, à l'intérieur des frontières canadiennes. Un comité du Sénat a publié hier un autre rapport illustrant les coûts et les nombreux cas les plus loufoques de barrières qui existent dans le commerce interprovincial. Dans son rapport, intitulé Des murs à démolir, le comité des banques et du commerce presse le gouvernement fédéral d'agir.

LES BARRIÈRES LES PLUS ABSURDES

Les fromages non pasteurisés provenant du Québec ne peuvent être exportés à l'extérieur de la province à cause de règlements en vigueur dans les autres provinces.

Les normes concernant la taille des bouteilles de bière varient d'une province à l'autre. Résultat : une entreprise doit avoir des chaînes de production distinctes dans chacune des provinces où les normes sont différentes.

Les limites de poids imposées pour certains pneus de camions diffèrent selon les provinces, ce qui oblige les conducteurs de camions de transport à changer leurs pneus lorsqu'ils traversent certaines frontières.

En Colombie-Britannique, certains types de camions ne peuvent être conduits que la nuit, alors que ces mêmes véhicules peuvent être conduits de jour seulement en Alberta.

Seulement trois provinces - la Colombie-Britannique, le Manitoba et la Nouvelle-Écosse - permettent d'expédier du vin directement aux consommateurs. Ailleurs, cela est interdit.

La taille des contenants de crème à café et de lait n'est pas la même d'une province à l'autre. Les entreprises laitières doivent donc multiplier les chaînes de production.

Deux provinces - la Colombie-Britannique et l'Alberta - ont une taxe sur le carbone tandis que le Québec et l'Ontario - et bientôt le Manitoba - ont un système de plafonnement et d'échange. Pour les entreprises, cela augmente les frais d'exploitation dans plus d'une juridiction.

Les entreprises doivent souvent s'enregistrer dans chaque province où elles brassent des affaires.

Les normes provinciales et même fédérales sur les catégories de sirop d'érable diffèrent d'un territoire à l'autre.

Les entreprises de camionnage dont les véhicules circulent dans plus d'une province doivent payer des taxes variables sur les intrants. À titre d'exemple, les taxes sur les achats de véhicule sont réparties au prorata entre les administrations en fonction de la distance parcourue dans chacune.

L'HEURE DE LA MÉTHODE FORTE A SONNÉ

Même si les provinces devaient conclure une nouvelle entente sur le commerce intérieur avant le 31 mars, le ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, Navdeep Bains, croit qu'un accord est possible « plus tôt que tard ». Le ministre a d'ailleurs rencontré ses homologues à Ottawa lundi. Mais pour le comité des banques et du commerce du Sénat, il est temps d'utiliser la méthode forte pour éliminer les barrières qui coûtent des milliards de dollars à l'économie canadienne. Dans son rapport publié hier, le comité recommande d'ailleurs de porter l'affaire devant la Cour suprême du Canada sous forme de renvoi pour régler ce dossier qui traîne en longueur si aucun accord n'est conclu avant le 1er juillet 2017. « Le comité estime qu'il y a péril en la demeure. [...] À l'approche du 150e anniversaire du Canada, rien ne conviendrait mieux comme célébration que l'annonce d'un Accord sur le commerce intérieur, un accord axé sur l'avenir, qui contribuerait à paver la voie à la croissance et à la prospérité d'un bout à l'autre du pays », peut-on lire dans le rapport. Aux Communes, hier, le Parti conservateur a forcé la tenue d'un débat sur les coûts des barrières au commerce interprovincial et a aussi exhorté le gouvernement Trudeau à soumettre un renvoi au plus haut tribunal du pays.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Les normes concernant la taille des bouteilles de bière varient d’une province à l’autre.

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Les limites de poids imposées pour certains pneus de camions diffèrent selon les provinces.