Voici huit choses à analyser dans le premier budget du gouvernement Trudeau, qui sera présenté aujourd'hui à Ottawa.

L'ALLOCATION CANADIENNE AUX ENFANTS

Le premier budget Morneau doit jeter les dernières bases du plan fiscal des libéraux pour aider les familles de la classe moyenne. L'Allocation canadienne aux enfants devrait ainsi remplacer la Prestation universelle pour la garde d'enfants (PUGE) en établissant un régime d'allocation graduelle fondée sur les revenus des ménages. Le coût net de cette initiative serait d'environ 2 milliards par année, en tenant compte, entre autres, des 2 milliards que le gouvernement Trudeau espère épargner en abolissant le fractionnement du revenu, une autre mesure conservatrice destinée à la poubelle.

L'ASSURANCE-EMPLOI ET LE CRÉDIT D'IMPÔT RELATIF À UN FONDS DE TRAVAILLEURS

Le premier ministre Justin Trudeau a déclaré hier que le budget respecterait les promesses électorales de son parti à l'égard de l'assurance-emploi. Ces promesses, qui totalisent plus de 2 milliards par an, incluent la réduction du délai de carence à une semaine et l'abolition des changements du gouvernement Harper « qui ont contraint les travailleurs sans emploi à s'éloigner de leur collectivité ». Parlant de travailleurs : le budget rétablira aussi le crédit d'impôt relatif à un fonds de travailleurs comme le Fonds de solidarité FTQ. Ce crédit avait été aboli par les conservateurs en 2013.

LA TAILLE DU DÉFICIT ET LE RETOUR À L'ÉQUILIBRE

Justin Trudeau a promis un déficit « modeste » de 10 milliards pour l'année 2016-2017 durant la campagne électorale. Mais l'état de l'économie a continué à se dégrader et le déficit sera beaucoup plus élevé que prévu. Le ministre des Finances Bill Morneau a annoncé il y a quelques semaines que la barre était maintenant à 18,4 milliards pour l'année à venir, avant même de prendre en compte le gros des promesses électorales... Quel sera le plan pour le retour à l'équilibre, et ce retour sera-t-il possible durant le mandat actuel ?

PLUS D'ARGENT ET DE FLEXIBILITÉ POUR LES PROJETS D'INFRASTRUCTURE

La formule voulant que le fédéral, les provinces et les municipalités paient chacun le tiers du coût des projets d'infrastructure pourrait changer pour permettre une plus grande participation d'Ottawa - jusqu'à 50 %, croient des observateurs. Le Parti libéral a promis de faire passer ces investissements de 65 à 125 milliards sur 10 ans, dont environ 16 milliards durant le mandat actuel. Des promesses comme la création d'une banque de l'infrastructure ne seront toutefois pas incluses dans ce budget-ci. Les provinces et municipalités réclament aussi des investissements plus ciblés et plus faciles d'accès.

D'AUTRES ÉLÉMENTS INCLUS OU EXCLUS

L'aide fédérale à Bombardier ne devrait pas être incluse dans le budget d'aujourd'hui. La légalisation de la marijuana non plus : cet autre dossier chaud demeure à l'étude à Ottawa. Le premier ministre Trudeau a confirmé la semaine dernière que le budget annulerait la décision des conservateurs de faire passer de 65 à 67 ans l'âge de l'admissibilité à la Sécurité de la vieillesse. Enfin, il faudra attendre le dépôt du document à la Chambre des communes avant de connaître le sort de plusieurs autres mesures, dont la plus grande clarté réclamée par Québec au sujet des transferts dans le domaine de la santé.

LES GESTES APRÈS LES BELLES PAROLES

L'environnement et les peuples autochtones sont deux des dossiers dans lesquels les libéraux ont multiplié les promesses, et qui pourraient se traduire en gros sous dans le budget d'aujourd'hui. Le Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone devrait être une pièce maîtresse de la stratégie fédérale pour lutter contre les changements climatiques. Parmi les milliards promis aux communautés autochtones, on compte l'enquête publique sur les femmes autochtones disparues, le rétablissement de l'accord de Kelowna, la mise en oeuvre des recommandations de la Commission vérité et réconciliation et le règlement des problèmes liés au programme de protection de l'enfance dans les réserves, déclaré discriminatoire par les tribunaux.

LES OPTIONS D'ACHAT D'ACTIONS

Les yeux de plusieurs dans la communauté des affaires du Canada seront tournés vers la possibilité évoquée en campagne de limiter la déduction fiscale pour achat d'actions. Selon les libéraux, ces déductions ont coûté 750 millions au Trésor public en 2014. Des gens d'affaires affirment que ces mesures sont nécessaires pour préserver la compétitivité internationale des entreprises canadiennes, surtout les PME. Certains espèrent que le gouvernement décidera d'étudier la question davantage et de consulter les groupes concernés avant d'agir - peut-être dans le cadre d'une étude plus large du régime fiscal des entreprises.

COMBIEN POUR RADIO-CANADA?

Les libéraux ont promis en campagne de rétablir le financement de Radio-Canada réduit par le gouvernement Harper. La ministre du Patrimoine, Mélanie Joly, a toutefois évité au cours des dernières semaines de s'avancer sur un chiffre précis, ce qui lui a attiré des critiques de la part du NPD, qui craint que le gouvernement ne recule sur cette question. La plateforme libérale affirme à la page 62 : « [...] nous annulerons les compressions budgétaires du gouvernement Harper en offrant un financement annuel de 150 millions. » Un tableau à la fin du document parle plutôt de 75 millions pour la première année.

PHOTO Sean Kilpatrick, Archives La Presse Canadienne

Le ministre des Finances Bill Morneau et le premier ministre Justin Trudeau