Le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, a créé une petite commotion dans les aréopages économiques et financiers lorsqu'il a confié sans sourciller que l'économie canadienne s'est comportée de manière épouvantable (atrocious) durant l'hiver.

On pourra apprécier la sagacité du gouverneur ou son sens de l'emphase, c'est selon, vendredi quand seront connus les chiffres de la croissance économique, au premier trimestre.

Sera-ce 0 %, comme l'a estimé le Rapport sur la politique monétaire du mois dernier, ou un peu plus, sinon un peu moins?

Les chiffres les plus décryptés vendredi seront sans doute ceux de la variation de la croissance de la production par industrie au mois de mars. Si elle est positive, comme plusieurs indicateurs permettent de le présumer, alors il sera permis d'espérer que l'expansion de l'économie canadienne s'épanouisse à nouveau après son gel durant l'hiver polaire.

En avril, la Banque avait tablé sur un rebond annualisé de 1,8 %. Cela suppose que l'économie américaine sera aussi sortie de sa torpeur hivernale.

Le commerce extérieur canadien a été malmené durant l'hiver. La faiblesse des importations de machines et d'équipement présage aussi d'hésitations persistantes des entreprises à investir. Cela demeure une des grandes préoccupations de la banque.

Vendredi, on connaîtra aussi la teneur de la deuxième estimation du PIB américain. La première avait choqué, pour ne pas dire épouvanté, avec une expansion annualisée limitée à 0,2 % alors que tous les prévisionnistes voyaient les États-Unis comme la locomotive de la croissance mondiale en 2015.

Ils se résignent désormais à un recul de la production américaine. La prévision consensuelle de - 0,9 % est même plus faible que le pire scénario escompté pour l'économie canadienne.

En fait, les États-Unis ont vraisemblablement été la lanterne rouge du G7 en termes de croissance réelle au premier trimestre. Et devinez qui est en tête de train? La France, celle-là même qui était l'objet de sarcasmes et de quolibets parmi ces mêmes prévisionnistes nord-américains en début d'année.

En fait, la zone euro a mieux fait que les trois pays anglo-saxons du G7.

Il n'y a pas eu que des éléments conjoncturels, tels le froid polaire et la grève dans des ports de la côte Ouest, pour freiner la croissance des États-Unis alors que celle du Canada a pour excuse la chute des prix de l'or noir, principale exportation.

Des facteurs plus structurels sont aussi en jeu, comme l'appréciation du dollar américain qui entrave les exportations et le ralentissement de l'économie chinoise, en pleine mutation vers la production de services aux consommateurs.

Dans ces conditions, le début d'un resserrement de la politique monétaire américaine, le premier depuis celui de 2004 à 2006, paraît de plus en plus reporté à la rentrée automnale, voire plus loin encore.

La Banque du Canada a quant à elle tout intérêt à gagner du temps.

Aussi faut-il s'attendre, après demain, à la reconduction du taux cible de financement à un jour à 0,75 %, comme elle l'avait fait le 15 avril.

Dans le communiqué faisant alors part de leur décision, les autorités monétaires canadiennes avaient précisé que «les risques entourant les perspectives d'inflation sont maintenant à peu près équilibrés».

La Banque avait prévu un taux d'inflation global de 0,8 % pour le deuxième trimestre et de 2,1 % pour l'inflation de base.

En avril, le taux d'inflation global a bel et bien été de 0,8 %, nous a appris Statistique Canada, vendredi. L'inflation de base en revanche est à 2,3 % et s'incruste au-dessus de 2 %.

En fait, même l'inflation globale se situe à 2,2 %, si on en extirpe la composante énergie. Dès lors, non seulement une nouvelle baisse de taux paraît difficilement justifiable, mais il faudra bien envisager, plutôt tôt que tard, de relever le taux directeur.

Mais la Banque du Canada semble d'autant moins pressée à passer à l'acte que la Réserve fédérale paraît hésiter à commencer à sevrer les marchés financiers de liquidités apparemment intarissables.