C'est Stephen Poloz qui succédera à Mark Carney en tant que gouverneur de la Banque du Canada. Il entrera en fonction le lundi 3 juin pour un mandat de sept ans.

Sa nomination, annoncée jeudi après-midi par le ministre des Finances, Jim Flaherty, a causé une certaine surprise. Bien que son nom ait figuré sur la liste des candidats potentiels, tout comme celui du sous-ministre associé aux Finances, Jean Boivin, les milieux financiers et politiques pariaient surtout sur Tiff Macklem, premier sous-gouverneur de l'institution de la rue Wellington depuis juillet 2010.

Ce qui a peut-être fait pencher la balance en faveur de M. Poloz, c'est son expérience plus diversifiée que celle de M. Macklem.

Tout comme ce dernier, M. Poloz détient un doctorat en économie de l'Université Western Ontario.

«Avec ses 30 ans d'expérience des marchés financiers et des principes de prévision et de politique économique, M. Poloz a une longue et brillante carrière dans les secteurs public et privé, a dit M. Flaherty. Il possède les compétences et l'expérience nécessaires pour diriger la Banque du Canada en cette période d'incertitude économique mondiale.»

Depuis janvier 2011, M. Poloz est président-directeur général d'Exportation et développement Canada, dont il était l'économiste en chef depuis 1999. Auparavant, il avait été analyste recherchiste chez la firme BCA Research à Montréal, après avoir occupé plusieurs fonctions à la Banque du Canada pendant 14 ans.

«C'est un choix très intéressant, estime Stéfane Marion, économiste et stratège à la Banque Nationale. Quelle sera sa vision face à la force relative du dollar canadien? Il a peut-être une sensibilité plus grande face aux difficultés des exportateurs.»

«Peut-être sera-t-il plus actif dans la transition d'une économie poussée par la demande intérieure vers une économie axée sur les exportations», suggère Carlos Leitao, économiste en chef chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

«Il est très fort au niveau technique, renchérit François Dupuis, vice-président et économiste en chef au Mouvement Desjardins. C'est aussi un très bon communicateur.»

M. Poloz s'exprime correctement en français et c'est dans cette langue qu'il a prononcé plusieurs conférences sur différences tribunes à Montréal par le passé.

Le prochain gouverneur a l'habitude des contacts avec le secteur privé. En revanche, on lui connaît moins d'expérience que M. Macklem dans les grandes organisations internationales ou dans la gestion de la crise financière. Le premier sous-gouverneur préside le comité permanent du Conseil de la stabilité financière à Bâle, que dirige M. Carney.

M. Poloz n'a pas fait de discours public depuis un an où il avait traité des relations commerciales entre le Canada et le Japon. «Règle générale, il a évité de commenter publiquement les questions de politique monétaire, notent Derek Holt et Dov Zigler, économistes chez Scotia Capitaux. En s'en tenant à son domaine, il a poursuivi une brillante carrière sous le gouvernement conservateur. Ses vues sur la politique monétaire sont méconnues.»

Elles le resteront sans doute encore quelques mois. La prochaine date de fixation du taux directeur est le 29 mai, soit trois jours avant le départ de M. Carney qui prendra les rênes de la Banque d'Angleterre le 1er juillet.

«Son défi consistera à sevrer en douceur le Canada de ses faibles taux d'intérêt», estiment Benjamin Tal et Emanuella Enenajor, économistes chez CIBC.

«Il devra maintenir l'équilibre délicat entre une politique monétaire assez accommodante pour soutenir une croissance raisonnable et une inflation modeste sans relancer une augmentation de l'endettement des ménages», ajoute Douglas Porter, économiste en chef chez BMO Marchés des capitaux.

Ce n'est que le 17 juillet que M. Poloz, 57 ans, annoncera le taux directeur et publiera le nouveau scénario économique de la Banque.

Sa nomination survient au lendemain du dévoilement par MM. Carney et Flaherty des nouveaux billets de 5$ et de 10$. Il faudra donc attendre quelque temps avant de connaître la signature du nouveau gouverneur.

C'est la troisième fois d'affilée que le ministre des Finances privilégie un candidat de l'extérieur plutôt que le premier sous-gouverneur pour succéder au gouverneur sortant.

M. Carney avait été préféré à David Jenkins, et David Dodge à Bernard Bonin. MM. Jenkins et Bonin ont quitté la Banque peu après la nomination du nouveau gouverneur.

Que fera M. Macklem?