Air Canada (T.AC.B) a fait preuve de sagesse en attendant quelques années avant de prendre livraison de ses premiers appareils Boeing 787. Cela lui permet d'éviter les problèmes que vivent présentement les clients de lancement de ce nouvel avion révolutionnaire.

C'est ce qu'affirme un ancien président d'Air Canada, Pierre Jeanniot, qui a également été président de l'Association internationale du transport aérien.

«C'était très sage de leur part d'attendre au moins deux ans avant de prendre livraison de ce nouvel appareil, a-t-il déclaré au cours d'une entrevue téléphonique avec La Presse Affaires. Cela permet que le développement se fasse, qu'on élimine tous les petits problèmes qui peuvent arriver avec un appareil d'une technologie complètement différente.»

À la suite d'une série d'incidents liés à la batterie ion-lithium du 787, le Dreamliner, la Federal Aviation Administration (FAA) a ordonné mercredi aux transporteurs américains de cesser l'exploitation de cet appareil dans l'attente d'une solution. Les organismes de certification des pays où est également exploité le 787, comme le Japon et l'Inde, ont suivi l'exemple de la FAA.

En 2005, Air Canada a commandé 14 appareils 787 auprès de Boeing, une commande qu'elle a portée à 37 appareils en 2007. Les livraisons devaient commencer en 2010. Toutefois, le développement du Dreamliner a connu de nombreux délais et l'appareil est entré en service trois ans plus tard que prévu.

En vertu du nouveau calendrier de livraison, Air Canada devrait recevoir son premier appareil en 2014. Ce qui laisse amplement le temps à Boeing et à ses fournisseurs de régler le problème de batterie.

Si les clients de lancement sont les premiers à expérimenter les problèmes initiaux de nouveaux appareils, qui surgissent souvent au cours des 6 à 12 premiers mois d'exploitation, ils sont aussi les premiers à expérimenter les problèmes de vieillissement.

«On ne sait pas ce qui va arriver avec le vieillissement du 787, a indiqué M. Jeanniot. C'est un nouvel appareil qui contient plus de matériaux composites que de métal. On connaît bien le métal, mais on sait moins comment vieillit le composite.»

Selon lui, le problème de batteries que connaît présentement le 787 soulève plusieurs questions, notamment en ce qui concerne le processus de certification de l'appareil.

«S'agit-il d'un problème de design que la FAA aurait manqué au cours du processus de certification?, s'interroge-t-il. La certification initiale a pourtant duré très longtemps.»

Il pourrait également s'agir d'un problème de production. Contrairement à ses programmes précédents, Boeing a fait appel à des fournisseurs de partout dans le monde pour la conception et la fabrication des systèmes de l'appareil.

M. Jeanniot a aussi noté qu'en raison des délais dans le développement de l'appareil, Boeing a dû mettre les bouchées doubles pour accélérer les livraisons, ouvrant même une deuxième usine pour l'assemblage du Dreamliner. «Y a-t-il eu un manque au niveau du contrôle de la qualité?», s'est-il interrogé.

Bombardier, qui développe lui-même une toute nouvelle famille d'appareil, la CSeries, suit de près la situation. L'avionneur n'a toutefois jamais utilisé dans ses avions commerciaux et ses avions d'affaires le même type de batterie que celle qui équipe le 787, et n'a pas prévu l'utiliser pour la CSeries.

Par ailleurs, le transporteur australien Qantas a réduit hier une commande passée auprès de Boeing pour 15 appareils 787, la faisant passer à 14. La direction de Qantas a soutenu que cette décision n'avait rien à voir avec les problèmes actuels du Dreamliner.