Les conservateurs de Stephen Harper ont promis d'éliminer le déficit avant les prochaines élections prévues en 2015. Mais ils se retrouvent aujourd'hui dans un trou financier duquel ils auront de la difficulté à se sortir, à moins d'affûter la hache lors du prochain budget.

En effet, le gouvernement Harper a créé un déficit structurel en accordant des réductions d'impôts substantielles tout en augmentant les dépenses de l'État de 6% en moyenne par année depuis 2006, selon le chef intérimaire du Parti libéral du Canada, Bob Rae, et le directeur parlementaire du budget, Kevin Page.

Ces derniers croient que le ministre des Finances, Jim Flaherty, sera incapable d'éliminer le déficit sans sabrer de manière draconienne les dépenses dans son prochain budget.

Après avoir indiqué en novembre qu'il retardait le retour à l'équilibre budgétaire à 2016-2017, M. Flaherty s'est ravisé quelques jours plus tard en affirmant qu'il prendra les moyens pour atteindre cet objectif avant les prochaines élections, prévues en 2015.

Résultat: il doit venir à bout d'un déficit de 26 milliards de dollars en deux ans, un exploit qui pourrait être difficile à réaliser dans le contexte économique actuel.

L'exemple des libéraux

Dans les années 90, les libéraux de Jean Chrétien ont réussi à éliminer un déficit de 38,5 milliards en quatre ans. Les libéraux avaient alors quatre facteurs qui facilitaient leur croisade contre le déficit: une TPS à 7%, des compressions de 33% dans les transferts aux provinces, une croissance fulgurante de l'économie aux États-Unis, le principal partenaire commercial du Canada, et des taux d'imposition qui n'étaient pas indexés au rythme de l'inflation (une hausse d'impôts déguisée à laquelle a mis fin Paul Martin en 2000).

Aujourd'hui, aucun de ces facteurs n'est présent pour aider le ministre Jim Flaherty dans sa lutte contre le déficit. D'abord, la TPS a été réduite à 5%. Ensuite, le gouvernement Harper a promis de venir à bout de ce boulet financier sans réduire les transferts aux provinces et sans augmenter les impôts. Enfin, l'économie américaine tourne au ralenti et pourrait sombrer en récession si les autorités américaines ne réussissent pas à s'entendre pour éviter le mur budgétaire.

Entre 2006 et 2014, Ottawa aura réduit les taxes et les impôts de 220 milliards. Durant la même période, il aura fait passer les dépenses annuelles d'Ottawa de 200 milliards à 290 milliards. La dette accumulée, elle, aura passé de 457 milliards à 634 milliards, un bon de 177 milliards.

Des «déficits énormes»

«Ce gouvernement tente de se présenter aux Canadiens comme un gouvernement prudent, qui gère l'économie d'une façon conservatrice, si on peut dire. Mais il a créé des déficits énormes [56 milliards en 2009-2010] depuis 2008 et cela a augmenté la dette publique de façon sérieuse», a affirmé M. Rae dans une entrevue à La Presse.

«Dès leur arrivée au pouvoir, les conservateurs avaient tendance à trop dépenser. Ce n'est pas un gouvernement compétent lorsqu'il s'agit de gérer les finances publiques», a-t-il ajouté.

Depuis quelques semaines, d'ailleurs, les libéraux ne se gênent pas pour rappeler que la dette accumulée a franchi cette année le cap des 600 milliards. «Les Canadiens font les frais de l'incompétence des conservateurs en matière de finances, incompétence qui a fait grimper la dette nationale à plus de 600 milliards depuis 2006», ont répété à tour de rôle les députés libéraux à la Chambre des communes.

Le directeur parlementaire du budget, Kevin Page, estime lui aussi que le gouvernement Harper a créé un déficit structurel. «Le montant oscille entre 10 et 15 milliards. Mais ce déficit devrait disparaître d'ici quatre ans si l'on maintient les dépenses de programmes à leur niveau actuel», a expliqué M. Page à La Presse.

Ces dépenses, qui totalisent environ 115 milliards et excluent les transferts aux provinces, aux particuliers et les frais liés à la dette, entre autres, ne doivent absolument pas croître si le gouvernement Harper veut rétablir l'équilibre.

«Si le gouvernement réussit à faire cela, il transforme le déficit structurel en un surplus d'ici cinq ans. Mais c'est tout un défi fiscal et le gouvernement refuse de montrer son plan pour chaque ministère pour y arriver», a dit M. Page. D'autant plus que 38% des 115 milliards représentent les salaires et les avantages sociaux des employés de l'État.

M. Page s'est tourné vers les tribunaux pour obtenir tous ces chiffres. Le gouvernement Harper soutient que le directeur parlementaire du budget outrepasse son mandat en réclamant de tels détails.

En privé, des conservateurs conviennent que le retour à l'équilibre budgétaire d'ici 2015 sera difficile. Mais ils ajoutent qu'il est primordial d'y arriver pour maintenir la crédibilité du gouvernement.