Tandis que les ministres des Finances du Québec et de l'Ontario doivent faire preuve de la plus grande vigilance dans l'application ou la mise en place de leur plan d'austérité budgétaire, leur collègue fédéral Jim Flaherty aura eu plusieurs options dans la préparation du sien qu'il présentera cet après-midi.

Après neuf mois de l'exercice financier qui prend fin samedi, le déficit s'acheminait vers une somme plus faible que les 31 milliards projetés en juin.

Selon les calculs de plusieurs économistes du secteur bancaire, l'année financière sera sans doute bouclée avec un manque à gagner de 25 à 26 milliards, ou 1,5% du PIB, voire moins encore.

Cette amélioration est fondée seulement sur une projection mécanique des progrès enregistrés d'avril à décembre, selon les chiffres les plus récents de la Revue financière. Si la croissance n'a pas défailli durant l'hiver, les résultats annoncés aujourd'hui pourraient avoir même été un peu meilleurs.

Si le ministre se contentait de poursuivre le plan d'action économique tracé dans son dernier budget, alors l'atteinte du déficit zéro pourrait être sans peine ramenée de 2015-2016, tel que projeté dans la synthèse du 8 novembre, à 2014-2015. C'était le calendrier prévu dans le budget de juin, lui-même basé sur un engagement électoral.

Cela est rendu possible par une croissance plus élevée des revenus et plus faible des dépenses que dans la projection très prudente du ministre.

Dans le premier cas, M. Flaherty avait délibérément sous-estimé ses revenus de 1,5 milliard pour se créer un coussin. Ils ont pourtant été au rendez-vous. D'avril à décembre, ils ont crû de 4,2% par rapport à la même période de l'exercice précédent alors que le ministre faisait l'hypothèse d'un gain de 2,7%, encore en novembre.

Dans le second, le service de la dette aura été moins lourd en raison de l'attrait des obligations canadiennes, marquées du sceau de qualité triple A par toutes les grandes agences de notation. En outre, la robustesse du marché de l'emploi, surtout au printemps, a limité la valeur des prestations d'assurance-emploi émises. Bref les dépenses ont augmenté de 1,3% alors que M. Flaherty prévoyait 1,5%.

Le grand corollaire de cette bonne performance, c'est que le ratio de la dette sur le PIB a sans doute plafonné en 2011-2012 aux environs de 34%. Selon le scénario de novembre, il devait grimper à 35% en 2012-2013 avant de redescendre.

Une vraie marge de manoeuvre

Tout cela prépare le terrain à beaucoup de possibilités.

Ainsi, le gouvernement majoritaire de Stephen Harper pourrait choisir d'y aller plus mollement dans son exercice de réductions de la croissance des dépenses de programmes, même si c'est peu probable, selon les rumeurs des derniers jours.

Juste avant les élections, dans le discours budgétaire de mars qui n'aura jamais été adopté, M. Flaherty avait présenté un plan de retour à l'équilibre qui prévoyait des coupes de 4 milliards par année, présentées comme autant de mesures d'efficience.

Elles n'avaient toutefois pas été intégrées au processus de retour à l'équilibre budgétaire, ce qui lui créait un deuxième coussin.

Depuis, des rumeurs ont fait état de coupes récurrentes de 7 à 8 milliards. Elles ont été accueillies froidement même par les agences de notation de crédit qui ont souligné la fragilité persistante du présent cycle de croissance.

Voilà pourquoi certains ténors fédéraux ont tenté de calmer le jeu en faisant valoir notamment que les mesures d'austérité ne seront pas aussi draconiennes que celles adoptées par le ministre libéral Paul Martin. Il avait notamment diminué les paiements de transfert aux provinces, ce que M. Flaherty s'est engagé à ne pas faire.

Cela dit, des organismes comme Postes Canada, fortement concurrencée par les FedEx, UPS et DHS de ce monde, pourraient subir encore le couperet comme ce sera bientôt le cas avec le service postal américain.

Dans les rangs conservateurs, on tient mordicus à éliminer le déficit au plus tard en 2014-2015, soit avant les prochaines élections. «On ne peut pas se permettre d'aller en campagne électorale avec un déficit pour le deuxième scrutin de suite. C'est tout simplement impensable», a indiqué cette semaine une source conservatrice digne de foi.

C'est d'autant plus vrai que la grande majorité des promesses des conservateurs de la dernière campagne électorale (fractionnement du revenu pour les couples ayant des enfants de moins de 18 ans, hausse de la contribution à un CELI de 5000$ à 10 000$, entre autres) sont conditionnelles à l'élimination du déficit.

«On va faire les compressions nécessaires pour éliminer le déficit en 2014-2015», a-t-on assuré.

Des mesures structurantes

À Davos cet hiver, le premier ministre Stephen Harper a prononcé un discours important dans lequel il évoquait les grands défis du Canada au cours des prochaines années. Au premier chef, il y déplorait la faible croissance de la productivité et la faible capacité à concrétiser dans la production des succès en recherche et développement.

Ottawa dépense quelque 6 milliards par année à cette fin avec des résultats décevants.

D'aucuns s'attendent donc à ce qu'Ottawa adopte plusieurs des recommandations du comité présidé par Tom Jenkins, parues l'automne dernier.

Le rapport Jenkins suggérait notamment la création d'un conseil de l'innovation et de la recherche industrielle. Gageons toutefois que le gouvernement ne voudra pas d'une autre structure bureaucratique s'il n'a pas l'assurance de résultats.

Le ministre pourrait aussi donner des indications sur les intentions du gouvernement en matière d'immigration. Durant son tout récent séjour en Asie, M. Harper a montré des dents à ce sujet lors de son escale en Thaïlande.

Il ne faut pas écarter non plus quelques annonces pour stimuler la création d'emplois. Le marché du travail montre des signes d'essoufflement depuis l'été.

L'endettement des ménages, principale source d'inquiétudes de la Banque du Canada, pourrait entraîner l'annonce de nouvelles mesures de restrictions au crédit hypothécaire. M. Flaherty a déjà indiqué que le plafond à la valeur des garanties de prêts de la Société canadienne d'hypothèques et de logement restera à 600 milliards au moins jusqu'en 2016. Les garanties accordées dépassent allègrement les 500 milliards déjà.

Bref, M. Flaherty a suffisamment de marge de manoeuvre pour atteindre l'équilibre budgétaire plus vite que le calendrier fixé en novembre tout en annonçant plusieurs mesures structurantes.