Le dollar canadien et celui de l'Oncle Sam se sont offert un petit flirt avec la parité hier, entraînés par l'annonce du maintien au plancher jusqu'à la fin de 2014 du taux directeur de la Réserve fédérale américaine (Fed).

Après avoir grimpé mardi après-midi de 84 centièmes, le dollar canadien s'est offert hier un petit tour au-dessus de la parité à 100,18 cents US, avant de retraiter à 99,83 cents. Une hausse de 18 centièmes.

Les cambistes n'avaient pas vu pareille situation depuis le 1er novembre 2011. Selon ceux que La Presse Affaires a joints hier, il faudra désormais s'habituer à voir les deux devises à parité.

«On va se tenir au pair ou au-dessus du pair pour une partie de l'année», indique Claude Desautels, directeur des marchés de change chez BMO Marchés des capitaux.

Un avis partagé par Frédéric Mayrand, premier vice-président, marchés des capitaux, chez BNP Paribas. «Je ne pense pas qu'on va revoir les niveaux historiquement hauts à 1,10$US, mais on pourrait revoir 1,03 ou 1,05», précise-t-il.

Selon lui, l'annonce du président de la Fed Ben Bernanke s'ajoute au conflit qui entoure le pétrole iranien. Deux nouvelles qui viennent «donner une bonne erre d'aller» à la devise canadienne.

Les matières premières

«Le dollar canadien semble aussi bénéficier d'un autre effet un peu plus subtil, explique Hendrix Vachon, économiste au Mouvement Desjardins. Avec cette politique de la Fed, certains anticipent que le prix des matières premières pourrait de nouveau gonfler. Ça aide par la bande le dollar canadien, puisqu'il est souvent lié à l'évolution des cours de ces produits là.»

Si l'idée d'une parité durable fait dorénavant consensus chez une majorité d'économistes, tous s'entendent aussi pour dire qu'un retour à la baisse n'est pas à exclure.

«S'il y a problème en Europe, le prix du pétrole pourrait connaître une hausse, explique Krishen Rangasamy, économiste principal à la Banque Nationale. Le dollar canadien souffrirait sur deux fronts, à cause du prix du pétrole qui plante, mais aussi du dollar US qui s'apprécie habituellement en temps de crise»

«On pourrait aussi avoir de mauvaises nouvelles économiques du côté des États-Unis», ajoute Hendrix Vachon.

La décision américaine de maintenir son taux directeur dans une fourchette de 0 à 0,25% jusqu'à la fin de 2014 va inévitablement entraîner dans son sillage la Banque du Canada, selon les spécialistes interrogés. Elle devra donc revoir sa politique monétaire qui permettait d'anticiper un retour à la hausse de son taux directeur vers le milieu de 2013.

«Il y a une limite à laquelle les taux américains et canadiens peuvent diverger, indique Krishen Rangasamy. Si ça diverge trop, le dollar canadien va s'améliorer trop rapidement.»

«Ce n'est pas nécessairement ce qu'on veut pour le commerce extérieur qui souffre déjà», renchérit Claude Desautels.

La situation pourrait devenir particulièrement préoccupante pour l'industrie manufacturière canadienne, principalement installée dans l'est du pays. Le Québec, qui a encaissé une perte de 69 500 emplois au cours du dernier trimestre, pourrait alors voir la saignée perdurer.

«Si on s'aperçoit que les pertes d'emplois continuent, ça pourrait devenir beaucoup plus inquiétant pour la Banque du Canada», ajoute Frédéric Mayrand.