La «quadrature du cercle» annoncée par les fiscalistes est peut-être arrivée: la hausse des dépenses fédérales liée au vieillissement et à la croissance de la dette publique réduit maintenant la capacité même d'Ottawa de réduire ses coûts.

Un nouveau rapport du directeur parlementaire du budget, Kevin Page, démontre que bien que les dépenses fédérales aient quelque peu diminué depuis l'an dernier, elles sont toujours supérieures de 15 pour cent à ce qu'elles étaient avant qu'Ottawa ne mette en place son vaste programme de relance économique en 2009.

Le gouvernement fédéral a imposé plusieurs exercices de réduction de coûts qui semblent maintenant avoir trouvé leur vitesse de croisière. Mais les plus importantes dépenses restent hors de portée d'Ottawa, si on analyse les chiffres du directeur parlementaire du budget.

Selon Chris Ragan, économiste de l'Université McGill qui a longtemps mis en garde contre la réduction de la marge de manoeuvre d'Ottawa, des décisions difficiles devront bientôt être prises, et le gouvernement fédéral constatera la difficulté de faire dorénavant des compressions.

Dans ses données pour l'année fiscale courante, le directeur parlementaire du budget établit les versements pour la santé à 1,6 milliard $. Or, ces transferts vont continuer à augmenter de 6 pour cent par année pendant au moins quatre ans, si le gouvernement s'en tient à ses promesses électorales.

Les frais liés à la dette souveraine ont également bondi de 1,4 milliard $ par rapport à l'année précédente, en raison de déficits plus élevés qui dépassent les bénéfices tirés des taux d'intérêt peu élevés. Ces coûts vont eux aussi continuer à croître aussi longtemps que le gouvernement laissera croître la dette.

Les pensions de vieillesse, enfin, ont elles aussi crû de 1,1 milliard $ par rapport à 2010, en partie à cause d'une augmentation du nombre de bénéficiaires, et en partie à cause d'une bonification des prestations.

Or, les baby-boomers commencent à peine à atteindre l'âge d'admissibilité aux pensions de vieillesse, et leur nombre ne fera que croître, rappelle M. Ragan. «Cela va véritablement commencer à avoir un impact maintenant.»

Et malgré un gel des embauches dans la fonction publique, les coûts de gestion des ressources humaines ont bondi de 5,5 pour cent cette année, alors qu'une main-d'oeuvre vieillissante accumule les demandes en matière d'avantages sociaux, et est rémunérée selon l'ancienneté. Voilà également des tendances qui devraient se poursuivre, explique M. Ragan.

Des réductions de dépenses difficiles

D'autre part, les importantes réductions de coûts sont souvent ponctuelles, et liées à la fin du programme fédéral de relance économique mis en place après la dernière récession. La plus importante réduction de coûts provient des transferts uniques liés à la taxe de vente harmonisée.

Seul le ministère de la Défense a montré des signes constants de réductions, constate le directeur parlementaire du budget.

Alors que la mission en Afghanistan tire à sa fin, le budget du ministère a été réduit de 700 millions $ et ses dépenses ont diminué de 600 millions $ comparativement à l'année précédente.

Le ministre des Finances, Jim Flaherty, a déclaré la semaine dernière qu'il tentait d'éliminer le déficit de 31 milliards $ d'ici 2015-16, soit une année plus tard que les engagements précédents. Un élément-clé de son plan de réduction du déficit est une compression des dépenses fédérales de 4 milliards $ par année.

Les détails des dépenses publiés jusqu'à maintenant laissent croire que les coupes dans les dépenses ministérielles ne seront pas suffisantes, a expliqué le directeur parlementaire du budget par courriel. «Je croyais que 2011-2012 devait être un pivot ou une année cruciale dans la stratégie fiscale du gouvernement», a-t-il dit.

«L'élimination du programme de stimulation fiscale et la mise en place du contrôle des dépenses d'activités, couplées à la reprise économique, étaient considérées comme suffisantes dans le budget 2010-2011 pour tourner la page et retrouver l'équilibre à moyen terme.»

Mais avec des dépenses toujours supérieures de 15 pour cent aux niveaux pré-récession et sans moyen de gérer les dépenses liées au vieillissement, «ce plan pourrait ne pas suffire», avance M. Page.

Le rapport démontre également qu'alors même que le gouvernement peine à réduire ses coûts dans plusieurs secteurs, il n'est pas en mesure de dépenser l'argent prévu dans d'autres domaines.

Le Fonds pour l'infrastructure verte, en particulier, n'a investi que 10 pour cent de son milliard de dollars prévu au budget, malgré ses trois ans d'activités sur ses cinq ans planifiés, note le directeur Page.