Tandis que la classe politique américaine joue avec le feu dans la gestion des finances publiques, l'agence de notation Moody's a reconduit hier la note Aaa du Canada avec perspective stable.

«La note Aaa s'appuie sur le degré très élevé de résilience du pays, la très grande solidité financière du gouvernement et la faible probabilité d'un choc intérieur», écrit Stephen A. Hess, vice-président et analyste de crédit principal de l'agence new-yorkaise.

Tant la dette du gouvernement que celle des banques garantie par leurs dépôts jouissent de la meilleure cote de Moody's.

La perspective est stable, ce qui n'est pas le cas de la note de crédit américaine qui risque une décote du concurrent de Moody's, Standard&Poor's. S&P accorde la note AAA au Canada avec perspective stable, comme l'a fait Moody's hier.

M. Hess fait ressortir quelques différences significatives entre les États-Unis et le Canada.

Notre économie est beaucoup plus ouverte, car le commerce international équivaut à la moitié de notre produit intérieur brut (PIB) comparativement à moins du tiers pour nos voisins.

Le niveau d'endettement du gouvernement est moins élevé, ce qui lui donne plus de marge de manoeuvre.

Notre système bancaire et notre marché de l'habitation sont beaucoup plus solides, tandis que le taux d'épargne national plus élevé assure une dépendance plus faible de l'étranger, malgré le degré d'ouverture de l'économie.

L'agence prévoit que le Canada retrouvera une croissance annuelle moyenne de 3% dans un proche avenir, grâce aux gains de productivité qui devraient résulter des investissements massifs des entreprises depuis plusieurs mois. Il s'agit ici d'une perspective plus rayonnante que celle exprimée par la Banque du Canada la semaine dernière qui prévoit une croissance de 2,1% seulement en 2013. Cette prévision est fondée sur le potentiel de l'économie estimé par les autorités monétaires.

L'agence insiste aussi sur la solidité de nos institutions, comme en fait foi la gestion des finances publiques.

À la différence de plusieurs autres pays qui jouissent de la note Aaa, la dette des administrations provinciales et municipales canadiennes est relativement élevée: 525 milliards comparativement à 545 milliards pour celle d'Ottawa. Qu'à cela ne tienne, «ensemble, la dette de tous les niveaux de gouvernement équivaut à 70% du PIB, ce qui se rapproche de la médiane des pays notés Aaa», fait remarquer Moody's. Aux États-Unis, le ratio atteindra quelque 100% l'an prochain, quelle que soit l'issue du bras de fer en cours.

Moody's souligne que la grande décentralisation canadienne présente en théorie un risque pour l'évaluation de la dette. Toutefois, toutes les provinces jouissent d'une note de crédit élevée et sont engagées dans des plans crédibles de contrôle des dépenses publiques. La nécessité d'un sauvetage fédéral paraît peu probable.

Moody's évoque deux hypothèses susceptibles d'entacher la solvabilité du Canada. La première est une crise du marché de l'habitation, le second, la séparation du Québec. «Moody's juge faible l'éventualité de l'une ou de l'autre.»

M. Hess ajoute par ailleurs que le Canada a bien montré sa capacité de résister à un choc externe durant la dernière crise financière et la récession.

D'autres économistes s'inquiètent cependant des conséquences de l'issue du bras de fer actuel au sein de la classe politique américaine.

Dans une note spéciale intitulée «Que signifie le plafond de la dette américaine pour le Canada?», publiée hier, l'économiste en chef de la TD, Craig Alexander, a émis quatre hypothèses.

Dans la première, une solution honorable est trouvée, la note de crédit des États-Unis est maintenue et tout continue comme si de rien n'était.

Dans le deuxième cas, la solution trouvée ne convainc pas au moins une agence de notation. La réaction des marchés est modérée, mais le huard gagne de l'altitude.

Dans la troisième, le gouvernement américain doit cesser de fonctionner. Les exportations canadiennes souffrent, le coût d'emprunt en dollars américains des entreprises canadiennes augmente et les marchés boursiers décrochent.

Enfin, dans le pire scénario, heureusement improbable, les États-Unis n'honorent plus leur dette. En pareil cas, il y aurait nouvelle crise mondiale du crédit et rechute en récession.

«À moyen terme, concluent les économistes de TD, la soutenabilité de la dette américaine est présage d'un dollar canadien fort et de taux obligataires canadiens plus faibles.»