En dépit d'une baisse appréciable du taux de chômage en mai, le marché du travail montre une certaine mollesse qui reflète le ralentissement de la croissance.

D'un océan à l'autre, le nombre d'emplois a augmenté de 22 300 d'avril à mai, après le bond de 58 300 en avril, selon les données de l'Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada. En même temps, davantage de personnes âgées de 15 ans et plus ont quitté les rangs de la cohorte de ceux qui détiennent ou cherchent un emploi.

Voilà qui explique pourquoi le taux de chômage a reculé de deux dixièmes, pour atteindre 7,4%. Il s'agit du taux le plus faible en 29 mois.

Au Québec, on compte 24 800 emplois de plus, en grande majorité à temps partiel, ce qui a permis de faire reculer le taux de chômage d'un demi-point, à 7,3%. Depuis le début de l'année, le Québec compte 27 100 emplois de plus qu'en décembre, mais 5700 de moins à temps plein.

«Malgré les risques que présentent les coûts élevés de l'énergie, la conjoncture incertaine aux États-Unis et la force du dollar canadien, l'économie québécoise tient le coup, juge Joëlle Noreau, économiste principale chez Desjardins. Toutefois, il faut s'attendre à ce qu'elle ralentisse la cadence en raison de ces nombreuses incertitudes.»

L'agence fédérale a aussi révélé hier que les coûts unitaires de main-d'oeuvre au Canada, exprimés en dollars américains, ont grimpé de 3,3%, alors que ceux des entreprises américaines augmentaient d'à peine 0,4% au premier trimestre, ce qui exerce plus de pression encore sur les exportateurs.

Ce n'est guère de bon augure pour certaines régions, comme Québec. La région de la Vieille Capitale, qui pouvait se targuer d'afficher l'an dernier le taux de chômage le plus faible au Canada, a perdu 18 800 emplois cette année. Son taux de chômage de 6,8% est désormais plus élevé que celui de Sherbrooke (6,5%) et de Gatineau (6,6%). Il demeure plus faible que celui de Montréal (7,8%), mais la métropole compte 45 000 emplois de plus cette année.

Tant au Canada qu'au Québec, l'ensemble des emplois créés se retrouve dans le secteur des services. Ils sont concentrés dans le commerce, les soins de santé, la culture et les loisirs.

L'effectif en usine a diminué de 22 500, de St. John's à Victoria, dont une diminution de 5700 au Québec.

C'est le troisième mois d'affilée que les manufacturiers réduisent leur personnel. En mai, cela s'est surtout produit en Ontario (-15 500), là où sont concentrées les usines japonaises d'assemblage de véhicules, touchées par des ruptures de la chaîne d'approvisionnement à la suite des catastrophes du mois de mars.

Au net, le gonflement de 29 000 de la cohorte des travailleurs autonomes explique la croissance de l'emploi. Leurs conditions de travail sont en général moins avantageuses que celles des salariés dont le nombre a diminué de 5700 en mai.

«Les augmentations de la masse salariale décélèrent. Elles progressaient en mai de 2,2% en rythme annuel, comparativement à 2,6% en mars. C'est le taux le plus faible depuis décembre, notent Derek Holt et Karen Cordes Woods, de Scotia Economics. En tenant compte de l'inflation, les salaires réels ne progressent pas et cela n'est pas bon signe pour la consommation des ménages qui doivent absorber des factures d'énergie et d'épicerie plus élevées.»

L'EPA a été menée dans la semaine du 15 au 21 mai, soit deux semaines après les élections fédérales, auprès de 56 000 ménages. Elle a pu capter la fin d'emploi des travailleurs d'élections. En juin, le nombre d'emplois dans le secteur public va encore diminuer avec le licenciement de beaucoup de travailleurs à temps partiel embauchés pour le recensement.

Cela dit, le marché du travail se porte bien mieux de ce côté-ci de la frontière, où le taux de chômage s'élève à 9,1%, même en fixant le seuil d'entrée dans la population active à 16 ans, plutôt que 15 ans comme au Canada. Selon cette méthodologie, notre taux de chômage serait plutôt de 6,4%.

Depuis le début de l'année, l'économie canadienne a créé 163 400 emplois, dont 148 000 à temps plein. Du nombre, 94 600 étaient des travailleurs autonomes, toutefois.

Reste que le Canada compte désormais 133 600 emplois de plus qu'à la veille de la récession, en octobre 2008. «Les emplois à temps plein ont augmenté de 33 000 pour atteindre un record inégalé de 13,9 millions ce mois-ci; le nombre de travailleurs dans le secteur privé n'est plus très loin du niveau d'avant la récession (moins de 50 000 emplois)», observent Stéfane Marion et Matthieu Arseneau, de la Banque Nationale.

Mai/ Avril

Terre-Neuve 11,9%/ 11,1%

Île-du-Prince-Édouard 11,9%/ 11,2%

Nouvelle-Écosse 9,0%/ 9,2%

Nouveau-Brunswick 9,5%/ 10,0%

Québec 7,3%/ 7,8%

Ontario 7,9%/ 7,9%

Manitoba 5,3%/ 5,2%

Saskatchewan 5,0%/ 5,0%

Alberta 5,4%/ 5,9%

Colombie-Britannique 7,6%/ 7,9%

Note: Données pour le mois de mai; les chiffres pour le mois d'avril

sont entre parenthèses,