La tenue d'élections générales arrive à point nommé pour les personnes qui doivent contracter ou renouveler un prêt hypothécaire au printemps.

La Banque du Canada n'a pas coutume de modifier son taux directeur durant une campagne électorale fédérale. Elle n'a pas non plus l'habitude de signifier un changement de cap dans la conduite de sa politique monétaire.

Un scrutin au mois de mai signifie donc qu'elle ne modifiera vraisemblablement pas son taux cible de financement à un jour lors de sa prochaine annonce de fixation le 12 avril. Elle le reconduira à 1,0%, comme elle le fait depuis octobre.

Les institutions financières ne bougeront pas non plus leur taux préférentiel, fixé à 3% depuis le 7 septembre. Ce taux est très important, car il sert d'ancrage aux hypothèques à taux variable. La majorité des institutions financières fixent le taux variable aux environs de 2,85% ces jours-ci.

C'est dans son Rapport sur la politique monétaire que la banque centrale a l'habitude de télégraphier aux intervenants des marchés financiers l'orientation à venir de sa politique monétaire.

Comme sa publication est prévue à la mi-avril, on peut présumer qu'elle préférera se montrer avare de toute indication. Elle peut se le permettre, compte tenu des risques géopolitiques susceptibles d'affecter l'évolution de l'économie.

«On pourrait quand même avoir une hausse le 31 mai, même si la Banque ne la télégraphie pas dans son Rapport», nuance Yves Saint-Maurice, économiste en chef adjoint au Mouvement Desjardins. L'institution lévisienne est toutefois la seule au pays à encore miser sur la reprise printanière du resserrement monétaire.

Pour toutes les autres, la hausse de taux est attendue durant l'été, voire à l'automne.

«Nous nous attendions précédemment à ce que la première de quatre hausses de taux cette année survienne en mai, mais nous la décalons maintenant à juillet, a signalé hier matin Avery Shenfeld, économiste en chef chez CIBC. Notez que les marchés attribuent seulement 50% de chances à une hausse de taux en juillet.»

Cela signifie que les taux obligataires à long terme vont grimper moins vite que ce qui était prévu. Comme les institutions financières empruntent pour prêter, leur coût de financement sera moindre. Elles pourront refiler une partie de leurs économies aux emprunteurs, concurrence oblige.

D'autres raisons militent aussi en faveur du statu quo monétaire durant quelques mois encore.

Le dollar canadien se maintient au-dessus de la parité à cause de la cherté du pétrole. Majorer le taux directeur ne ferait que stimuler le huard alors que les exportations se relèvent à peine de la récession.

En outre, l'inflation surprend par sa faiblesse. L'indice de référence de la Banque est même passé sous la barre de 1% en février pour la première fois en 25 ans.

«On ne sait pas comment l'incertitude quant à la politique fiscale va se répercuter dans l'économie», ajoute Derek Holt, économiste chez Scotia Capitaux, qui prédit depuis belle lurette que la Banque restera en touche jusqu'à l'automne.

La campagne électorale qui s'annonce ne fait que renforcer sa conviction.

Parmi les rares mesures budgétaires structurantes annoncées par le ministre des Finances Jim Flaherty, il y a la reconduction pendant deux ans de l'amortissement accéléré pour stimuler les investissements en machines et matériel. Tant que cette mesure saluée par les lobbies patronaux n'est pas adoptée, des décisions d'investir seront retardées. Or, la Banque du Canada mise sur les investissements pour prendre le relais des ménages en tant que moteur de la croissance.

À la surprise générale, les ventes au détail ont reculé pour le deuxième mois d'affilée en janvier, a annoncé Statistique Canada plus tôt cette semaine. «La facture d'essence des ménages canadiens a fait un bond saisissant de 58,7% en rythme annualisé au quatrième trimestre et était déjà en hausse de 17,4% en janvier», notent Yanick Desnoyers et Matthieu Arseneau de la Banque Nationale.

Les emprunteurs disposent donc d'un répit inespéré.... grâce en bonne partie aux partis d'opposition.