Un vice-président qui s'en va, une stratégie chamboulée et des employés qui devront se battre pour leur poste: après des années de pertes, la Banque de développement du Canada (BDC) chambarde sa division de capital-risque.

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«On va changer la structure. On va essayer de rendre nos processus plus simples, plus rapides, plus efficaces», a dit le président et chef de la direction de la BDC, Jean-René Halde, au cours d'une entrevue à La Presse Affaires.

Jacques Simoneau, vice-président exécutif aux investissements et responsable de la division de capital-risque, a déjà quitté la banque il y a «deux ou trois semaines», a précisé M. Halde, qui assume lui-même l'intérim jusqu'à la nomination d'un nouveau vice-président. 

«Honnêtement, nous sommes arrivés ensemble à la conclusion que ça prenait un nouveau leader. Mais j'ai beaucoup de respect pour Jacques, c'est un gars que j'aime beaucoup», a dit M. Halde, qui a refusé de préciser davantage les raisons expliquant ce besoin d'un nouveau leadership. 

Le changement survient au moment où la BDC accumule les pertes en capital-risque. Celles-ci ont atteint 74,1 millions l'an dernier et près d'un demi-milliard depuis 2002.  L'industrie en général a enregistré un rendement de -5% au Canada depuis 10 ans. La BDC affirme que le chiffre comparable est de -6% de son côté.

Lors du dévoilement de son dernier rapport annuel, la BDC s'était attiré les critiques pour avoir diminué davantage que ses pairs ses investissements en capital-risque pendant la crise financière, privant les entrepreneurs de soutien. 

«Est-ce qu'on aurait pu en faire plus? Peut-être. Soyons honnêtes: on a peut-être été trop prudent», admet aujourd'hui M. Halde. 

L'été dernier, la BDC a mandaté la firme de consultants McKinsey & Company pour l'aider à voir comment elle pourrait mieux jouer son rôle en capital-risque. 

Parmi les mesures qui seront mises en place, la BDC veut d'abord recruter de nouveaux talents.

«Je veux m'assurer qu'on ait les meilleures compétences possible. Les gens de l'interne vont pouvoir appliquer sur les postes. Mais s'il y a des gens de super qualité qui sont disponibles et intéressés, I wanna know», dit M. Halde. 

La BDC promet aussi de hausser son niveau d'investissement en capital-risque au cours des prochaines années. 

«On veut atteindre une vitesse de croisière plus élevée que l'année dernière. Ça, c'était insuffisant. On veut faire plus», dit M. Halde. 

«Il y a vraiment une volonté de monter la barre, d'améliorer», continue-t-il. 

En plus d'investir directement auprès des entrepreneurs, la BDC mise aussi de l'argent dans des fonds de capital-risque spécialisés, qui, eux, investissent dans les entreprises. 

M. Halde compte hausser la proportion de ces investissements faits dans des fonds. La BDC souhaite ainsi donner les moyens de leurs ambitions aux meilleurs fonds du pays, parmi lesquels une «sélection naturelle» est en train de s'effectuer. 

«Les seuls qui lèvent des fonds actuellement, ce sont les meilleurs. Et ça, c'est très sain pour l'industrie», dit M. Halde. 

En investissant ainsi dans des fonds, la BDC joue exactement le même rôle que Teralys, un «fonds de fonds» qui investit aussi dans des fonds de capital-risque et qui représente le plus gros réservoir de capital-risque au pays. 

«De ce que j'en connais, c'est une excellente nouvelle. Ça nous donne un partenaire en or avec qui travailler», commente d'ailleurs Jacques Bernier, associé principal de Teralys, à propos de la restructuration à la BDC. 

Tant M. Halde que M. Bernier conviennent qu'ils risquent fort de co-investir dans les mêmes fonds, ce qui risque d'accélérer la «sélection naturelle».

Selon M. Halde, cette sélection combinée au fait que les fonds concentrent eux-mêmes leur argent sur les entreprises les plus prometteuses devrait conduire à des rendements positifs dans l'industrie d'ici «quatre ou cinq ans».

«Je suis de plus en plus confiant dans le capital-risque, dit M. Halde. Je pense qu'on est en train de tourner le coin.»