Les principaux régulateurs boursiers au Canada veulent en savoir davantage sur les politiques de rémunération des dirigeants d'entreprise, à l'instar de ce qui s'implante aux États-Unis.

Par conséquent, les normes de divulgation qui avaient été resserrées considérablement il y a deux ans devraient être rehaussées de nouveau. C'est ce que réclament les commissions de valeurs mobilières du Canada (ACVM) dans un document divulgué hier, à des fins de consultations d'ici la mi-février.

 

«De l'information de meilleure qualité aide les investisseurs à comprendre comment le conseil d'administration prend ses décisions quant à la rémunération des dirigeants. Entre autres, est-ce que les mesures d'incitation accordées aux dirigeants sont compatibles avec les intérêts des actionnaires?» dit Jean St-Gelais, président de l'Autorité des marchés financiers (AMF) au Québec et aussi président des ACVM au niveau canadien.

Améliorations

Les améliorations proposées par les ACVM s'inspirent largement des normes de divulgation plus sévères qui ont été instaurées aux États-Unis depuis l'an dernier, par la Securities and Exchange Commission (SEC) et par la loi «Dodd-Frank» qui cible les entreprises financières.

Entre autres, les ACVM veulent rehausser les conditions faites aux entreprises qui réclament une exemption de détailler les mesures de performance de leurs dirigeants, sous prétexte que cette divulgation serait «préjudiciable» à leurs intérêts d'affaires.

Aussi, les ACVM veulent resserrer les normes de présentation en tableaux de la rémunération des hauts dirigeants.

Les entreprises devraient expliquer davantage leurs calculs de la «juste valeur» des titres de capital qu'elles consentent à leurs dirigeants comme primes à la performance.

En réaction au document des ACVM, l'analyste d'expérience Yvan Allaire, de l'Institut de gouvernance des organisations publiques et privées (IGOPP), s'est dit relativement satisfait.

«Les normes renforcées depuis deux ans et pour lesquelles les ACVM s'étaient inspirées des meilleures pratiques dans le monde étaient déjà d'assez bon niveau», selon M. Allaire.

Néanmoins, il déplore que les ACVM évitent encore d'obliger les entreprises canadiennes à comparer la rémunération de leurs dirigeants à celle de l'ensemble de leurs employés.

«Aux États-Unis, les entreprises devront bientôt publier cette comparaison. Au Canada, les ACVM devraient l'ajouter», souhaite Yvan Allaire.

Pour le moment, seules quelques grandes banques canadiennes ont décidé volontairement de divulguer cette information à leurs actionnaires.

Pour les autres entreprises, il faudra attendre l'impact des votes en assemblée à ce propos que réclament des groupes d'actionnaires activistes comme le MEDAC, de Montréal.

Produits dérivés

Par ailleurs, Yvan Allaire déplore l'absence dans les propositions des ACVM d'une obligation pour les entreprises de divulguer en détail l'usage de produits dérivés par leurs dirigeants, lorsqu'ils veulent contrecarrer le risque de dévaluation des titres de capital (actions, options, etc.) qui leur ont été consentis en bonus.

«Une divulgation partielle est requise aux États-Unis alors qu'en Europe, on a carrément interdit un tel usage de produits dérivés par les dirigeants, souligne M. Allaire. Au Canada, les ACVM devraient exiger une divulgation plus directe aux actionnaires à ce sujet, au lieu de laisser les entreprises les référer à leurs documents réglementaires qui sont souvent très compliqués.»