L'économie du Canada se porte bien, c'est un secret de Polichinelle.

La demande intérieure est forte tandis que la robuste reprise des puissances émergentes et maintenant des États-Unis poussent les prix des matières premières et stimulent nos exportations.

Cela ne suffit pas jusqu'ici, pourtant, à contenir la progression lente mais continue de l'inflation de base qui aurait permis à la Banque du Canada de retarder la remontée de son taux directeur à un niveau moins exceptionnellement accommodant.

En outre, les finances publiques du Canada font l'envie de ses pairs du G7. Malgré l'ampleur des déficits prévus cette année, la dette canadienne reste relativement faible, maîtrisée et sans risque.

Cela incite les détenteurs étrangers de capitaux à acheter nos emprunts, autant gouvernementaux que d'entreprises. Ils créent une demande de dollars canadiens qui s'apprécie en conséquence.

«Les investisseurs étrangers qui ne se couvrent pas contre le risque de change peuvent chercher un gain sur la devise», ajoute en entrevue Marc-André Gaudreau, chef de la gestion des titres à revenus fixes chez Natcan.

En janvier, dernier mois où les chiffres sont connus, les étrangers ont acheté pour 11,8 milliards de titres canadiens, des obligations surtout. Cela portait à 111,3 milliards la valeur des achats nets de nos titres par des étrangers. «L'engouement récent des étrangers pour les titres canadiens n'a eu d'égal qu'une période au début des années 1990», écrivait récemment Marc Pinsonneault, économiste principal à la Financière Banque Nationale dans L'Hebdo économique.

À l'époque, les taux des obligations à long terme du Canada étaient plus élevés qu'aux États-Unis, ce qui attirait les investisseurs. Ce n'est pas le cas cette fois-ci. C'est la situation enviable du Canada et de ses entreprises qui les séduit plutôt.

Les étrangers ont surtout acheté ces derniers mois des obligations d'entreprises qui offrent un meilleur rendement que les gouvernementales: à hauteur de 31,3 milliards, contre 28 pour les canadiennes et 27 pour les provinciales, municipales et entreprises publiques confondues.

Et ça pourrait bien continuer. «Nous sommes d'avis que les mois à venir présenteront leur part de défis pour les titres à revenu fixe, mais que les obligations émises par les sociétés canadiennes devraient mieux faire sur une base relative», estime Michael Quigley, premier vice-président distribution Gestion de portefeuille chez Natcan.

Les émetteurs profitent de la situation. Au premier trimestre, les sociétés canadiennes ont émis pour 13,37 milliards de titres de dettes de qualité (note de crédit minimale BBB).

Même les junk bonds (à rendement et risque élevés) trouvent à nouveau preneur. Ainsi, Vidéotron et Corus ont pu emprunter 300 millions et 500 millions respectivement.

Plus la demande étrangère sera forte et plus les huards seront prisés.

Durant la poussée vers la parité de 2002 à 2007, la bonne tenue du huard avait contenu un peu l'inflation. Ce sera moins le cas cette fois-ci, estiment Derek Holt et Karen Cordes de Scotia Capitaux.

Ils jugent en outre que la portion spéculative de l'appréciation est plus faible cette fois-ci. Cela va inciter la Banque du Canada à rétablir son taux directeur à un niveau plus neutre.

«La force de notre monnaie s'appuie surtout sur des critères fondamentaux. Elle reflète à la fois les attentes sur la montée des prix des ressources, les perspectives d'écarts de taux (entre la Banque du Canada et la Réserve fédérale), la robustesse de l'économie intérieure, la solidité du bilan national et de la dette souveraine dans une mer de risques de défaillance et enfin un pays où un gouvernement minoritaire prolongé est un jeu d'enfant en comparaison des risques politiques comme les révoltes en Grèce ou les élections déclenchées par Gordon Brown (hier au Royaume-Uni)», écrivaient-ils hier matin dans une note à leur clientèle.