Il ne reste plus que trois annonces de fixation du taux directeur avant que la Banque du Canada soit libérée de son engagement de le garder à 0,25% jusqu'à la fin juin, «sous réserve des perspectives concernant l'inflation».

Personne ne doute qu'elle le reconduira demain, tout comme elle le fait depuis qu'elle l'a fixé à ce niveau plancher, le 29 avril 2009.

L'annonce de demain survient entre deux publications de son Rapport sur la politique monétaire (RPM). En pareilles circonstances, les communiqués de la Banque sont davantage laconiques.

L'économie se comporte passablement comme la Banque le prévoyait dans son scénario présenté le 21 janvier.

L'inflation en a certes surpris plus d'un en connaissant une hausse le mois dernier, puisque l'indice de référence de la Banque a atteint le rythme annuel de 2%.

Les autorités monétaires projettent toutefois son ralentissement au cours des prochains mois, parce que l'économie ne fonctionne pas à son plein potentiel.

Bref, on ne s'attend pas à ce que la Banque ouvre son jeu demain sur sa conduite après le 30 juin, mais plus vraisemblablement en avril avec la prochaine livraison de son RPM.

Cela n'empêche pas les experts de se perdre en conjectures.

Ainsi, la prévision médiane des neuf membres du Comité sur la politique monétaire de l'Institut CD Howe donne un taux directeur de 2% dans 12 mois. Cela camoufle un grand écart entre la prévision minimale de 1,5% et la maximale de 3,25%.

Au coeur de ces divergences réside l'appréciation du potentiel réel de l'économie canadienne. Plus on le croit élevé et moins grandes seraient en principe les pressions et les attentes inflationnistes. En pareil cas, la Banque n'aurait pas à trop se presser pour rétablir son taux directeur à un niveau plus neutre.

Certains experts attribuent la force relative de l'inflation justement au fait que le potentiel de l'économie canadienne est plus faible que ne l'estime la Banque. En feraient foi aussi la relance de l'emploi et la robustesse des salaires qui augmentent plus vite que la croissance. Cela reflète un problème de productivité sous-jacent.

Dès lors, si la Banque maintient son engagement, elle devra mettre les bouchées doubles à compter de juillet pour rétablir son taux directeur à un niveau en accord avec les attentes inflationnistes.

C'est ce qu'on appelle le principe de Taylor. Quand l'inflation ralentit, la Banque doit abaisser son taux plus vite encore de manière à la maintenir au-dessus de la limite inférieure de la fourchette cible de 1% à 3%. À l'inverse, elle doit l'augmenter plus vite que les attentes inflationnistes de manière à les freiner quand l'inflation reprend sa marche.

C'est exactement ce que la Banque a fait durant la crise financière avec beaucoup de succès. Les trois mois d'inflation négative de l'été dernier étaient uniquement attribuables à un phénomène arithmétique lié à l'effondrement des cours du pétrole. Les risques de déflation ont été parfaitement maîtrisés.

«Nous sommes raisonnablement confiants que la Banque sera tout aussi sage pour respecter le principe quand l'inflation recommence à monter», soutient Michael Parkin, chercheur chez CD Howe, dans une étude parue la semaine dernière.

Cela suppose toutefois que les autorités monétaires augmentent le taux directeur à coups de 50 centièmes plutôt qu'à coups de 25 d'ici la fin de 2011. Des hausses de 25 centièmes porteraient le taux directeur à 2,5%, des hausses de 50 à 4%, taux jugé neutre pour une croissance optimale sans pressions inflationnistes.

La Banque du Canada prévoit un retour de l'indice des prix à la consommation à sa cible de 2% au cours de l'été 2011. Le taux directeur doit alors être neutre, à tout le moins tout près.

C'est ce type d'indication que les experts souhaitent voir préciser avant le 30 juin, ce qui ne veut pas dire demain.

La Banque du Canada n'est pas confrontée au même problème de communication que la Réserve fédérale américaine, qui s'est montrée vague en parlant de faible taux «pour une période étendue».

Elle n'a pas eu non plus recours à la planche à billets. Ses programmes de prises en pension arrivent à terme.

Elle n'a pas enfin modulé ses taux de manière différente, contrairement à la Fed. Les autorités américaines ont réduit de 100 à 25 centièmes l'écart entre le taux directeur (Fed Funds) et le taux d'escompte auquel elles prêtent aux institutions financières. Elles viennent de remonter l'écart à 50.

Au Canada, l'écart entre les deux taux est resté de 25 centièmes avant, pendant et après la crise financière.

Bref, télégraphier aux marchés sa politique monétaire sera sans doute un exercice plus simple pour la Banque du Canada. Il se doit quand même de rester clair.