Trois soirs par semaine, Bernard Letendre enlève ses souliers de vice-président à la Financière Manuvie et troque le veston cravate pour le judogi, la tenue blanche des judokas. Au dojo, les projections et les clés de bras remplacent les chiffres et la gestion.

Un simple loisir, le judo? Non. Un mode de vie, avec des valeurs qui influencent le gestionnaire, tant dans son travail que dans sa vie personnelle, depuis 30 ans.

«J'ai commencé le judo à 12 ans, parce que ma mère en avait assez de nous voir nous tirailler, mon frère et moi», se souvient-il.

Alors élève au collège Brébeuf, il entreprend cette nouvelle activité sans se douter qu'elle allait prendre une place aussi importante dans sa vie. Peu à peu, un groupe d'amis se tisse autour du judo, et le réseau social ainsi créé lui donne le goût de continuer. Il s'entraîne d'ailleurs toujours au même endroit avec le professeur de ses débuts: Raymond Damblant, grande sommité du judo, au Club Hakudokan de Montréal.

Ceinture noire

Au fil du temps, il perfectionne son art jusqu'à atteindre le niveau ceinture noire deuxième dan, et participe à plusieurs compétitions. Il s'y classe très bien, sans toutefois accéder à la première place. «J'ai toute une collection de médailles de bronze dans mes tiroirs», dit-il en riant.

D'ailleurs, peu lui importent les médailles. «En judo, la personne que l'on essaie de vaincre, ultimement, c'est soi-même.» À voir combien il respire le calme, il n'est pas difficile de se convaincre qu'il est sur la bonne voie!

Son prochain objectif: obtenir son troisième dan. Pour y arriver, il doit passer un examen. Il devra y démontrer sa maîtrise des différentes techniques, entre autres par les katas, des séquences de mouvements servant à montrer les principes du judo en tentant de se rapprocher de la perfection.

Les valeurs du judo

Quand il a mis au point le judo à la fin du XIXe siècle, le maître japonais Kano, fondateur de cet art martial, voulait former de meilleurs citoyens et des personnes qui utiliseraient leur corps et leur esprit pour le bien de la société. Humaniste, il voulait que les adeptes appliquent dans la vie de tous les jours ce qu'ils avaient appris au combat. Selon Bernard Letendre, il ne fait aucun doute que cela fonctionne!

«Quand on pratique un art martial, il est inévitable que ces valeurs soient aussi transmises dans la vraie vie, dit-il, car on intériorise ces principes. Qu'on soit au combat ou au travail, on reste la même personne.»

Les principes du judo s'appliquent d'ailleurs très bien au monde des affaires, explique-t-il. «Par exemple, l'un des principes fondamentaux est de fournir un minimum d'effort pour un maximum d'efficacité. Quand on parle de réingénierie des processus, c'est en plein de cela qu'il s'agit.»

Dans le milieu de la finance, il y a énormément de place pour améliorer l'efficacité des opérations, que ce soit l'ouverture d'un simple compte ou la relation avec le client. «Il y a deux écoles de pensée à ce sujet, explique Bernard Letendre. D'un côté, l'école des consultants dit qu'il faut tout revoir de A à Z. De l'autre, et c'est ce que je préconise, on peut s'améliorer tous les jours avec du travail et de la discipline en vue de s'approcher d'un modèle idéal, comme au judo.»

Cette approche permet de mieux gérer le changement au sein d'une équipe, car en procédant de façon graduelle, on évite les fortes réactions de résistance et il est plus facile de rallier les gens.

Autre grand principe du judo fort utile en affaires: la prospérité et le bienfait mutuels. «Quand je négocie, c'est comme si j'entrais dans un combat, illustre-t-il. Je veux aller chercher le maximum, mais jamais dans l'esprit que l'autre en sorte perdant.»

Car en judo, l'adversaire est plutôt vu comme un partenaire inestimable, sans lequel il serait impossible de s'améliorer.