Le constructeur automobile américain Ford (F) a pris à contre-pied Wall Street mercredi avec des prévisions pour les deux années à venir plus négatives qu'attendu, invoquant la situation en Europe et au Venezuela.

«Ford a fourni des prévisions 2014 substantiellement inférieures à nos prévisions», constate Deutsche Bank dans une note.

L'action plongeait de 7,3% à 15,48 dollars vers 13 h 30.

Le deuxième constructeur automobile américain a affirmé qu'il allait enregistrer en 2013 l'une des «meilleures années de son histoire» et table sur «une autre année solide en 2014».

Il a toutefois indiqué s'attendre à un bénéfice avant impôts et hors éléments exceptionnels de 7 à 8 milliards de dollars l'an prochain. Cela représente une nette baisse (6 à 17% sur un an) par rapport aux 8,5 milliards anticipés cette année et après 8,3 milliards en 2012.

Une grande partie de cette baisse provient du coût d'un ambitieux programme de lancement de 23 nouveaux modèles dans le monde l'an prochain.

La restructuration en Europe, avec notamment la fermeture de l'usine belge de Genk d'ici fin 2014, va aussi se traduire par des charges de dépréciation et licenciement de 800 à 900 millions de dollars.

En Amérique du Nord, moteur de ses résultats, Ford a légèrement abaissé sa prévision de marge opérationnelle.

Des cibles de long terme «menacées»

En Amérique du Sud, où il espérait un résultat à l'équilibre ou légèrement positif, il s'attend seulement désormais à être «presque à l'équilibre» suite à «de récentes mesures gouvernementales au Venezuela».

Caracas est une épine récurrente dans le pied du constructeur: outre les dévaluations du bolivar et l'hyperinflation, le président Nicolas Maduro a confirmé début décembre un décret qui permet à l'État de fixer le prix des voitures et à contrôler leur production.

Ford mentionne aussi «des risques en hausse» en Argentine, et lors d'une conférence d'analystes le directeur financier Bob Shanks a admis qu'il avait anticipé «une plus forte croissance au Brésil».

En Asie-Pacifique, la croissance est très forte et le groupe y mène de coûteux investissements avec six usines en construction, notamment en Chine et en Inde, car, vu la forte demande, ce sont les limites de capacités de production qui freinent les ventes dans la région, a expliqué M. Shanks.

Ford pâtit aussi en Asie-Pacifique d'une «plus forte concurrence sur les prix», et de résultats «défavorables en Australie».

Les bénéfices de la région devraient donc ressortir inchangés en 2014 comparé à 2013.

Ford a achevé de doucher les marchés en indiquant que, s'il reste «généralement sur les rails pour atteindre ses objectifs» 2015, et en particulier celui de revenir aux bénéfices en Europe, sa cible de marge opérationnelle automobile de 8 à 9% pour cette même année est «menacée».

Ford accuse «la récession sévère en Europe et la situation en Amérique du Sud, particulièrement au Venezuela».

Ford s'était pourtant appuyé sur l'embellie en Europe, confirmée mois après mois, pour relever ses prévisions annuelles lors des résultats du troisième trimestre.

«Ca fait des années qu'il y a une renaissance de l'industrie automobile aux États-Unis et les analystes voient la vie en rose, ils n'ont pas pensé qu'il pouvait y avoir sur cette route des obstacles», a commenté Gregori Volokhine, directeur de la société de gestion d'actifs Meeschaert New York.

M. Volokhine, dont la société détient des positions sur Ford, admet que le groupe fait peut-être l'objet d'un «problème de formulation de prévisions». Le constructeur avait déjà désagréablement surpris les investisseurs il y a moins de deux ans avec des résultats trimestriels qui avaient fait chuter brutalement le titre.

À l'inverse «il y a des entreprises toujours prudentes comme Apple ou Intel», a-t-il relevé.

Pour M. Volokhine, «la confusion du discours» sur l'Europe notamment «les pénalise peut-être encore plus que les chiffres eux-mêmes».

Par ailleurs, le site d'analystes 247WallSt.com relève l'absence totale du directeur général Alan Mulally du communiqué comme de la conférence téléphonique, de quoi renforcer les spéculations sur son possible départ du groupe pour prendre la tête du géant de l'électronique Microsoft, et la frilosité des investisseurs.