Lancement de nouveaux modèles. Pleines pages de publicité dans les journaux. Clips à la télé et sur l'internet. Difficile, en Inde, de croire que GM vient de se placer sous la loi de la faillite. Ici, le constructeur automobile dépense à fond la caisse dans l'espoir de percer l'un des seuls marchés au monde qui continue de croître.

Avec exactement 65 702 véhicules vendus l'an dernier, General Motors n'occupe que 3,5% du marché indien. Mais le constructeur de Detroit a annoncé ses intentions d'augmenter sa part de la tarte à rien de moins que 10% d'ici... 2010. Un objectif ambitieux que l'entreprise travaille à atteindre malgré la restructuration de la société mère.

«La faillite, c'est aux États-Unis, monsieur. Ça n'a rien à voir avec l'Inde, monsieur.»

Vikram B. S. travaille dans la salle d'exposition de GM boulevard Kasturba, à Bangalore, dans le sud de l'Inde. Chaque jour, plusieurs fois par jour, il s'applique à répéter le message que GM veut passer ici: la restructuration n'affecte pas les activités locales.

Pour aider Vikram, GM a déployé une immense banderole où on peut lire ceci: «Nous sommes là pour vous. Nous sommes là pour l'Inde.»

Vikram remet aussi systématiquement aux clients un livret imprimé qui explique qu'ils n'ont «rien à craindre» pour la garantie de leur véhicule. Il a aussi sous la main les immenses publicités que le constructeur a fait paraître dans les grands journaux nationaux. Il les montre aux clients comme preuve que «GM investit en Inde».

Si certains clients sont convaincus, d'autres affichent leur scepticisme. «Une restructuration, c'est quand même quelque chose de sérieux. On ne peut pas savoir combien de temps ça va durer. Qu'est-ce qu'on va faire s'ils ferment tout demain matin?» s'interroge Amit Pandya, 47 ans.

M. R. Indresh, expert automobile indien, croit que la faillite rend effectivement plusieurs Indiens craintifs d'acheter les véhicules. Les concessionnaires ont beau dire qu'ils n'observent pas d'effet sur les visites et les vendent depuis l'annonce de la faillite, le 1er juin dernier, il n'y croit pas.

«Il y a un effet, définitivement», dit-il.

Reste que GM poursuit sa campagne de séduction. Rien de bien surprenant aux yeux de Christian Navarre, spécialiste de l'industrie automobile à l'École de Gestion de l'Université d'Ottawa. «GM gagne de l'argent en Asie...» rappelle-t-il.

En fait, GM a placé l'Inde parmi les marchés «très importants» sur lesquels compte le constructeur pour se remettre sur pied.

Un pari que suit M. Navarre de près. «Dans le passé, les profits réalisés en Asie ont beaucoup aidé les finances de GM, dit le spécialiste. Et sur le marché des voitures traditionnelles, il semble que les Asiatiques et les Indiens aiment la marque GM.»

Mais M. Navarre surveille aussi les constructeurs locaux comme Tata et Mahindra. Contrairement aux constructeurs chinois qui veulent conquérir le monde, les constructeurs indiens semblent concentrer toutes leurs énergies sur le marché local, en se préoccupant très peu de l'exportation.

C'est ainsi que Tata a lancé en Inde cette année la voiture à 2500$US.

«Tata ouvre un nouveau marché innovant en Inde sur lequel il aura une sorte de monopole pour quelque temps. Ça pourrait bien devenir le nouveau modèle en Inde. L'expérience Tata est probablement l'avenir de ce marché», dit M. Navarre.

Un élément de plus dans la bataille que se livrent les constructeurs pour un marché qui croît encore de 6% par année.