Bientôt de la « viande de laboratoire » dans les assiettes ? L'administration américaine a en tout cas dévoilé vendredi un cadre réglementaire ouvrant la voie à la commercialisation d'aliments conçus à partir de cellules animales, quand ils seront disponibles.

Plusieurs entreprises en démarrage se sont lancées ces dernières années sur ce créneau. Mais le coût de production est encore très élevé et aucun produit n'est pour l'instant prêt à être vendu.

Les avancées, toutefois, sont rapides.

La société californienne Just, aussi connue pour sa mayonnaise sans oeuf, a ainsi plusieurs fois fait part de son intention de commercialiser un produit à base de cellules animales capables de se reproduire d'ici la fin de l'année.

D'autres comme Memphis Meats aux États-Unis, Mosa Meat aux Pays-Bas ou Aleph Farms en Israël, s'activent pour abaisser les coûts de production, certaines de ces entreprises ayant reçu le soutien financier de géants de l'industrie agroalimentaire.

Les partisans de cette solution de rechange font valoir qu'elle peut changer durablement le système de production de la viande en évitant d'élever et de tuer des animaux.

Aux États-Unis, la question de savoir s'il fallait ou non autoriser ces produits ne s'est jamais vraiment posée.  

En revanche savoir qui allait les contrôler, le ministère de l'Agriculture (USDA) ou l'agence responsable de la sécurité alimentaire (FDA), faisait jusqu'à présent débat.

Après une conférence publique en octobre destinée à débattre de la « régulation nécessaire pour à la fois encourager ces produits alimentaires innovants et maintenir les normes de santé publique les plus strictes », ces deux entités ont annoncé vendredi dans un communiqué commun avoir décidé d'en partager la supervision.

Selon le cadre réglementaire proposé, la FDA serait chargée de contrôler tout ce qui concerne les cellules, depuis leur prélèvement sur des bovins ou des volailles jusqu'au stade de la différenciation cellulaire.

Le ministère de l'Agriculture superviserait de son côté tout ce qui relève de la production et de l'étiquetage des produits issus de ces cellules.  

Les détails sont encore en train d'être affinés, mais les deux agences estimant avoir les autorisations réglementaires nécessaires, « l'administration ne pense pas qu'une loi spécifique sur le sujet soit nécessaire », indique le communiqué.  

Quid du mot «viande»?

L'annonce de l'administration « est une indication encourageante sur le fait que la FDA et l'USDA tracent clairement la voie pour une réglementation transparente et prévisible », a estimé Jessica Almy de The Good Food Institute, une association qui promeut les produits alternatifs à la viande conventionnelle.

« Les gouvernements d'Israël, du Japon et de Singapour ont déjà fait part de leur intérêt pour cette importante technologie alimentaire », a-t-elle souligné. Aussi est-il essentiel selon elle d'avancer « aussi rapidement que possible ».  

Selon les arguments de ses partisans, la « viande de laboratoire » permettra de limiter les gaz à effets de serre et l'utilisation de ressources naturelles, et d'éviter la souffrance des animaux. Tout cela en nourrissant une population de plus en plus nombreuse et gourmande en protéines.  

« Nous attendons avec impatience le jour, dans un avenir pas si éloigné, où les familles américaines pourront partager un plat de viande fabriqué à partir de cellules », a affirmé Mme Almy.

Déjà, les responsables de la jeune entreprise Just « se réjouissent de pouvoir bientôt travailler avec les deux agences », a indiqué un porte-parole de la société vendredi à l'AFP.

Dans son communiqué, l'administration américaine n'a en revanche pas indiqué si les produits issus de cellules animales pouvaient s'appeler « viande », un point de contentieux entre certaines associations représentant les agriculteurs et les partisans de produits alternatifs.

La porte-parole de l'Association des éleveurs bovins américains (USCA), Lia Biondo, s'est toutefois félicitée vendredi que l'étiquetage soit supervisé par le ministère de l'Agriculture plutôt que par la FDA, qui n'exige pas que les emballages soient approuvés « avant que les produits n'arrivent dans les rayons des supermarchés ».

L'organisme se bat pour que le mot « viande » soit réservé à la chair d'un animal né, élevé et abattu de façon traditionnelle.