Agropur fait parler d'elle à Québec. L'opposition officielle déplore l'attitude du grand patron de la coopérative qui a minimisé mercredi l'importance pour un VP de parler français au Québec ; tandis que la ministre responsable de la Loi 101 Hélène David invite les dirigeants unilingues à apprendre la langue, une marque de respect envers les travailleurs, fait-elle valoir.

Mercredi, Robert Coallier, chef de la direction de la coopérative laitière qui possède 50 % d'Aliments Ultima, justifiait, au nom de la compétence, l'embauche de VP unilingues anglais chez le fabricant de yogourts Iögo. 

« Agropur ou Ultima sont rendues des entreprises de taille internationale. On n'engage pas sur la base de langue ; on engage sur la base des compétences », a-t-il répondu aux questions sur les raisons de l'embauche de l'unilingue Dan Jewell au poste de vice-président opérations d'Aliments Ultima.

« C'est une situation déplorable, dit le député péquiste de Bourget Maka Kotto. La direction de la coopérative justifie le fait que, lorsqu'il y a compétence, on est absous de l'impératif de maîtriser la langue française. »

« Quand des entreprises d'ici [financées] par Investissement Québec et la Caisse de dépôt ne sont pas sensibles au fait qu'au Québec, ça se passe en français ; il y a là un problème quelque part », ajoute Maka Kotto.

« Je pense que la direction de la coopérative devrait se pencher sur le préambule de la loi 101 pour se donner le devoir d'inciter monsieur Dan Jewell à se franciser. Ça enverrait un signal positif », a poursuivi M. Kotto. 

Le préambule de la loi parle de l'importance de faire du français la langue normale de travail au Québec.

De son côté, la ministre responsable de la Charte de la langue française, Hélène David, par la voix de son attaché de presse Philip Proulx, invite les dirigeants à apprendre le français. « C'est simplement une forme de respect pour les travailleurs ainsi que c'est une façon de faciliter les communications internes », a expliqué M. Proulx.

UN RETOUR 40 ANS EN ARRIÈRE

Plus tôt jeudi, le président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Jacques Létourneau, a déclaré que l'attitude d'Agropur constitue un retour 40 ans en arrière.

« C'est sûr que sur la base du français au travail, ça n'a pas d'allure qu'un VP ne soit pas capable de s'adresser en français aux travailleurs et travailleuses », dit M. Létourneau. Le syndicat de l'usine Ultima de Granby est affilié à la CSN. « On a l'impression de reculer 40 ans en arrière, surtout (quand on entend) l'espèce de banalisation qu'en fait le chef de direction. »

Le président du syndicat de l'usine de Granby, Martin Delage, rapportait à La Presse Affaires mercredi que le VP devait faire traduire ses propos par le directeur d'usine Yves Dion quand il s'adressait aux employés de Granby, principale usine d'Ultima au Canada.

C'est également M. Dion qui se charge de répondre aux questions des employés, M. Jewell ne comprenant pas le français.

« Le climat de travail est très médiocre. Les travailleurs ne se sentent pas respectés », a ajouté M. Delage.

La Presse Affaires avait reçu une lettre anonyme à la mi-janvier dénonçant les départs répétés de VP chez Ultima et l'anglicisation de l'organisation. Sept VP ont quitté l'entreprise depuis l'entrée en fonction de Martin Parent comme président d'Ultima en juillet 2014. Outre M. Jewell, le VP marketing Simon Small, embauché en mai 2015, est aussi unilingue anglais.

Aliments Ultima ne s'est pas encore exprimée publiquement et n'a pas répondu à La Presse jeudi.