Ils sont des milliers, comme Marisol, à avoir poussé la porte mercredi matin d'un des 1850 restaurants de la chaîne américaine de restauration Chipotle Mexican Grill, qui prévoyait de recruter dans la journée 4000 personnes.

«Je n'étais jamais entrée dans un Chipotle», dit d'une voix un peu blasée cette femme d'une trentaine d'années en sortant de son entretien dans une succursale proche de Times Square. «C'est un ami qui y travaille qui m'a dit d'y aller», ajoute-t-elle en allumant une cigarette.

L'entretien s'est «bien passé», dit-elle après son entrevue avec le gérant d'un restaurant.

Au total, quelque 60 000 personnes avaient pris rendez-vous, a indiqué Chris Arnold, le porte-parole du groupe.

Ce succès s'explique, pour partie, par les 10 dollars de l'heure proposés pour des postes de base, assortis d'une couverture santé et d'indemnités lors des arrêts maladie.

Si elle est très significative, la portée de cette vague de recrutements doit être relativisée, car la rotation atteint 100% par an dans les restaurants Chipotle, selon les chiffres fournis par le porte-parole du groupe.

Cela signifie que le spécialiste des burritos et des tacos doit embaucher chaque année plus de 50 000 personnes pour remplacer les départs, sans même parler de sa croissance.

Le taux de remplacement est pourtant légèrement inférieur à la moyenne de l'industrie du restaurant, selon le porte-parole de Chipotle.

«J'ai déjà travaillé dans un McDonald's», affirme Marisol, pour justifier de ses compétences.

Mais la décision de recrutement sera prise davantage en fonction «d'éléments recueillis lors de l'entretien», et non de l'expérience professionnelle, explique une gérante dans une autre antenne de la chaîne.

Vingt candidats en trois heures

Pas de file d'attente ou de cohue mercredi dans les restaurants, même pour ceux situés dans des zones très passantes de New York.

Un gérant parle d'une poignée d'entretiens. À quelques centaines de mètres de là, un autre a vu vingt candidats environ sur les trois heures qu'aura duré l'opération avant l'ouverture aux clients, à 11H00.

«On cherche cinq personnes», dit-il.

Outre le nombre de personnes recrutées et la brièveté de l'événement, l'originalité de cette «journée carrière» tient aussi au fait que chaque restaurant embauche pour ses propres besoins.

Les dossiers ne sont pas transmis aux ressources humaines pour avis ou validation. «C'est notre décision, à toute l'équipe», explique un gérant qui requiert l'anonymat.

Les responsables de restaurants ont reçu pour consigne de ne pas communiquer autour de cette opération. Le groupe est, en effet, passé maître dans l'art du marketing et de la promotion.

Il a déjà obtenu plusieurs prix aux «Cannes Lions», le festival de la publicité et de la communication, en 2012 et 2014 pour deux films d'animation courts en faveur de l'agriculture responsable.

Depuis, Chipotle, qui investit peu dans la publicité traditionnelle, est même allé plus loin en produisant sa propre série, en collaboration avec le service de vidéo en ligne Hulu.

Farmed and dangerous dépeint, de manière assez caricaturale, mais avec humour, les excès de l'agriculture productiviste.

Grâce à cette communication très travaillée, Chipotle a réussi à se forger auprès du grand public l'image d'un groupe «écoresponsable», attaché à la qualité de la nourriture servie, loin de l'univers traditionnel du fast-food.

Fondé à Denver en 1993, Chipotle compte aujourd'hui environ 1850 restaurants, principalement aux États-Unis.

Malgré des prix plus élevés que la plupart de ses concurrents, il grignote régulièrement des parts de marché.

Sur le premier semestre 2015, le groupe a vu son chiffre d'affaires progresser de 17% à 2,29 milliards de dollars et son bénéfice net bondir de 36% à 262 millions de dollars.

Un succès insolent face aux difficultés de plusieurs concurrents, notamment McDonald's.

Le géant de Oak Brook a pourtant été l'actionnaire majoritaire de Chipotle durant plusieurs années avant de céder sa participation en 2006, au grand dam de nombre de ses actionnaires.